" L'humanité devra mettre un terme à la guerre, ou la guerre mettra un terme à l'humanité."
John Fitzgerald Kennedy
De l'humanité. Noélia se demandait s'il en restait encore une once, sur cette île.
Elle l'avait cru, il y a un moment. Mais elle n'en était plus certaine désormais.
Elle avait simplement été trop naïve, comme toujours. Avec les rivalités et l'état de guerre qui régnait sur Esplumoir depuis longtemps, elle aurait dû comprendre que la cohérence avait quitté l'esprit des habitants, ainsi que l'humanité. Que beaucoup d'entre eux étaient près à en venir au sang. Mais non, elle avait pensé que le tournoi arrangerait les choses.
Elle avait pensé qu'en s'engageant là-dedans elle changerait les choses. Elle. Une gamine de onze ans.
Sauf que ce tournoi n'avait rien d'une compétition, et encore moins d'un jeu. Du moins pas pour la petite espagnole. C'était sa vie qu'elle risquait.
Le Conseiller avait été clair. Puisqu'ils avaient tous été aussi stupide à vouloir se battre et à faire couler le sang, voilà que ce qu'ils souhaitaient tant leur était servit. Ils devaient se battre. Ils devaient se mettre hors de combat quitte à ne pas en réchapper.
Celui qui refusait de se battre mourrait.
Ils avaient une heure pour en finir avec l'adversaire, sinon ils mourraient tous les deux. Ils n'avaient pas le droit d'opposer un quelconque refus.
Au début, Noélia avait été sidéré et profondément dégouté par une telle décision prise par le Conseiller. Mais après réflexion, puisque les habitants de l'île s'étaient comportés comme des animaux jusque-là, c'était peut-être la seule solution pour résoudre le problème. La cruauté.
Peut-être qu'alors les habitants s'apercevraient de leur sottise. Peut-être quand affrontant une personne qui leur était chère sans avoir d'autres choix que de la battre voire de la tuer pour sa propre survis les feraient réagir, en fin de compte. Elle l'espérait en tout cas.
Mais ce n'était plus sa préoccupation première.
Là, adossée contre un arbre, elle attendait son adversaire, le cœur battant, craignant pour sa vie.
Elle savait qu'une mort quasi-certaine l'attendait.
Elle n'avait que onze ans. Elle n'était pas le genre de personne sanguinaire qui aimait s'en prendre aux gens. Sa plume consistait uniquement à aller dans le corps d'une poupée. Qu'allait-elle pouvoir bien faire au juste ? Rien du tout, elle en était consciente. Ce n'était pas pour cette raison qu'elle n'essayerait pas de sauver sa peau, mais elle avait peur. Elle était morte de trouille. Elle ne savait quoi faire. Elle se retenait de pleurer. Elle se disait qu'il était encore trop tôt pour crier à la défaite et perdre espoir, mais elle n'était pas non plus stupide. Elle n'avait que très peu de chance de s'en sortir indemne
Chez les Guardians, elle avait bien appris quelques techniques de défenses mais ce ne serait pas suffisant.
Elle était en territoire totalement inconnu. Jamais elle ne s'était aventurée dans la Sylve d'Emeuraude, elle pourrait facilement se perdre. Elle était très maladroite et, pour peu qu'elle tente de courir, elle savait très bien qu'elle trébucherait sur une racine ou qu'elle se prendrait une branche en pleine figure, provocant sa chute, la laissant impuissante face à son prochain ennemi. Que pouvait-elle faire ? S'enfuir ? Elle savait bien que cela relevait de l'impossible, le Conseiller de la Mairie y avait veillé. Tous se devaient de se battre. Elle s'était engagée, elle n'avait guère le choix à présent.
Elle se releva, l'oreille aux aguets, soucieuse de se faire attaquer par surprise. Mais elle ne laisserait pas cela arriver. Elle ne se laisserait pas mourir non plus.
Elle tremblait peut-être, mais qu'importe. Le combat n'avait pas encore commencé. Elle avait peut-être encore une chance de s'en sortir ? Elle l'espérait.
Elle ne pouvait faire que cela à présent. Espérer et se battre.
Se battre pour sa vie.