Describe : Hye Mi habite dans un tout petit bâtiment au bout d'un sentier perdu. Du genre vraiment le coin paumé difficile à trouver 8D
C'est tout plein de mauvaises herbes autour, les volets sont toujours fermés, et puis limite la végétation prend le dessus quoi.
Y'a une petite pancarte qui donne l'impression qu'elle va bientot tomber et à moitié cassée qui indique "Pierres-Plumes" - au rez de chaussée en entrant, c'est la boutique o/ C'est sombre, très mal éclairé, des toiles d'araignée aux coins, de chaudrons mal lavés au fond, des étagères de fioles et de flacons aux liquides non identifiés, certains contenant des yeux d'on ne sait trop quoi, et puis il y a quelques tables avec des piles de livres poussiéreux. Et y'a plein de papiers qui trainent par terre.

Y'a un sous-sol sous une trappe où elle entrepose des chaudrons dont elle ne se sert pas, en fait c'est la cave quoi, une vraie caverne d'Ali baba. Et à l'étage y'a juste sa chambre et sa salle de bain : c'est le bordel et c'est sale partout en gros.

{ In a crocked little town, they were lost and never found…}

Le chant d’un oiseau résonna dans la pièce ; une brise légère et fraiche agitait les rideaux de velours pourpre de la fenêtre ouverte, faisant murmurer le vieux tissu poussiéreux, essayant vainement de lui redonner son aspect d’antan. La silhouette frêle de la jeune fille se dessinait sous la housse de couette aux couleurs mortuaires, couverte de fleurs de chrysanthème. Il était encore tôt mais le soleil, déjà, s’éveillait de sa nuit et comptait emmener l’adolescente avec lui, loin des bras de Morphée ; c’est avec un soupir contrarié qu’elle se tourna, tentant d’échapper à l’étoile du jour mais ne parvenant plus à trouver le sommeil, tirée d’un rêve fabuleux où elle chevauchait un dragon aux écailles couleur de nuit et aux yeux d’ambre, terrorisant Luca contre qui elle avait une dent en ce moment.
S’étirant tel un chat, elle étouffa un bâillement et s’extirpa de ses draps avec une nonchalance commune à toute personne n’étant pas matinale. La journée allait être longue, elle le sentait gros comme une montagne, et sans doute ennuyeuse si elle n’allait pas chercher quelques ennuis à droite ou à gauche. A moins qu’elle ne la rende particulièrement intéressante en allant retrouver sa copine de « glauquerie » ! Oui elle allait faire ça, tiens, elle allait embêter Hye Mi en cette magnifique journée de soleil qui promettait d’être pire qu’étouffante ; elle n’avait aucune envie de tomber en poussière sous le soleil de plomb ; et puis il faisait toujours frais dans la boutique de son ami, grâce, en partie, aux volets toujours clos et à la végétation luxuriante du jardin dont les arbres immenses, qui faisait de l’ombre.

Elle laissa tout de même passer la matinée avant d’aller réclamer l’attention de la jolie coréenne, s’occupant tant bien que mal avec tout ce qui lui tombait sous la main, essentiellement ses livres ; elle en trouva un d’ailleurs, coincé sous une dizaine d’autre, encrassé de ne pas avoir été ouverts depuis des lustres et qui offraient pleins de formules latines et dessins bizarres – pour les néophytes évidemment, pour elle c’était clair comme de l’eau de source ! – qui devrait sans aucun doute plaire à sa copine de l’aprem’. Elle le mit donc de côté, pour ne pas l’oublier, vers les clés de la maison délabrée qui manquait tomber en ruine. Peut-être pour ça d’ailleurs qu’elle l’avait achetée pas cher à l’époque où elle avait débarqué sur l’île, parce que la villa fantôme manquait se casser la figure à chaque minute. Mais deux ans, presque, passés dedans et elle tenait toujours sur ses cannes. Comme quoi elle n’était pas aussi fragile qu’elle le laissait paraître. Même si les murs gémissaient à chaque tempête et à chaque brise un peu brutale, elle ne se voyait pas vivre ailleurs ; du moins tant qu’elle vivrait sur cette île.

Quatorze heures sonnaient à la vieille horloge de la cuisine lorsqu’elle quitta la villa, une ombrelle à la main pour la protéger de l’étoile du jour qui tentait de la faire dégouliner à grand peine et son livre protégé dans son sac en bandoulière. Le chemin ne lui parut pas bien long pour parvenir à la boutique étrange mais il fut fatiguant et surtout assoiffant ! Aussi fut-elle bien contente de se retrouver à la fraiche, passé la porte de la boutique. Après le soleil éclatant miroitant sur le petit chemin clair, elle dut laisser le temps à ses pupilles de s’acclimater à la pénombre environnante. Un petit carillon chantant avait annoncé sa venue lorsqu’elle avait poussé la porte, la faisant doucement rire tellement le son enfantin ne correspondait pas du tout à l’ambiance de mort qui régnait en maître dans la petite échoppe. Elle attendit que se montre la jeune vendeuse, posant son sac sur le comptoir pour se décharger un peu, lissant les plis de sa jupe d’un geste machinale, observant rêveusement les yeux jaunes d’un bocal qui semblaient la fixer avec une intensité d’outre-tombe.

« Petite araignée ! Noooon t'en vas pas ! »

Les premiers rayons de soleil venaient caresser la verdure abondante du jardin abandonné de la jeune fille lorsque ses paroles résonnèrent sous son toit. C'est que la petite Jung venait de faire un cauchemar fort déplaisant où elle n'avait qu'un seul et unique ami : une araignée d'une taille démesurée. Et l'araignée la quitta. Alors, en larmes, la jeune fille se réveilla en sursaut. Seule. Seule jusque même dans ses rêves. Voilà donc ce goût amer de la solitude qui la hantait même dans son sommeil... Un peu tremblante, encore un peu piégée par cette image d'abandon, Hye Mi posa un pied par terre.

- Crac -

Sous ses pieds. Une araignée écrasée. Le pire venait donc d'arriver. Hye Mi hurla jusqu'à ne plus avoir de voix : elle venait d'écraser une araignée. Son rêve était peut-être un signe pour lui prédire ce qui allait arriver... Voilà donc ce qu'on appelait « se lever du mauvais pied ». Encore plus en larmes qu'à son réveil brutal, la jeune blonde était en panique totale. Fermant tous les rideaux de sa maison, et dévalant les escaliers (à ce rythme, on pouvait peut-être appeler cela « voler ».. enfin, quelques marches de ratées, un superbe saut et un atterrissage raté), l'adolescente s'enferma dans son sous-sol.

Les heures passèrent.
Passèrent.
Passaient.

Sans avoir rien mangé depuis son réveil, Hye Mi avait passé des heures à marmonner des paroles incompréhensibles dans son sous-sol. Enveloppée dans une espèce de cape-torchon, les cheveux relâchés et complètement décoiffés et le regard noir fixant ce... ce qui semblait être un espèce de totem, elle s'était enfermée dans sa « salle de prières » pour demander le pardon du grand manitou araignée. La salle, éclairée par deux bougies à présent (les autres avaient rendu vie dans un soupir silencieux) semblait héberger des dizaines d'araignées. Et Hye Mi le sentait. Elle pouvait sentir les regards de ces bestioles, à la fois folles de rage, et déformées par le désespoir de la perte de l'un des leurs.

Et Hye Mi tremblait.

Elle tremblait, elle craignait le grand courroux du manitou. Et elle tremblait, elle craignait d'être découverte par un de ses clients dans cet état là...

Et voilà qu'elle entendait la clochette de la porte sonner.

C'était-la-fin-du-monde.

En tant que bonne commerçante, elle se devait tout de même d'aller accueillir son client. Alors un peu rongée par un sentiment de honte qu'on la découvre habillée ainsi, et un peu rongée par la culpabilité de ne pas continuer ses pratiques « originales », elle jeta un coup d'oeil timide à la tête du nouveau venu. Enfin de la nouvelle venue plutôt. Ah, ce n'était que Fehla... partagée entre la déception et le soulagement, Hye Mi hésitait à aller l'accueillir. Peut-être pouvait-elle l'ignorer, feindre de ne pas l'avoir entendue, et continuer ses prières..

Fehla.

Mais que pensait-elle ? C'était Fehla qui l'attendait à la porte. Alors...

« Oh Fehla, Fehla ! Tu tombes bien ! L’araignée ! L’araignée de ce matin ! Ecrasée, je l’ai écrasée ! Je voulais pas ! Oh mon dieu, que va-t-il m’arriver ? Je peux pas continuer à vivre avec toutes ces araignées chez moi, j’ai peur qu’elles me fassent quelque chose ! Mais je voulais pas hein ! Et puis la prière là, j’ai pas l’impression que ça marche mais je sais que tu vas m’aider donc viens viens viens ! »

Le tout, vitesse train à grande vitesse. Les mots étaient sorties les uns après les autres, comme si elle parlait tout en étant en apnée. La coréenne n’avait pas l’impression que Fehla venait de comprendre un mot de ce qu’elle venait de dire, mais la prenant par le poignet, elle l’entraîna littéralement au sous-sol. Ce sous-sol qui était leur lieu secret à elles seules. Mais seulement voilà, dans sa hâte… la jeune fille renversa une bougie. Et le petit feu… devient grand feu. Ecraser une araignée : petite bêtise. Mettre le feu à son sous-sol : grande bêtise. Petite bêtise devient grande bêtise.

C'était la fin du monde.

Spoiler:

Un spectacle de feu s’offrait à ses yeux larmoyants. Du feu. Du feu. Du feu partout. Hye Mi n’avait encore jamais été confrontée à un tel chaos, ces flammes qui rampaient sur ses murs hurlant de douleur dans un grésillement confus. Cette fumée, cette fureur. Complètement paralysée, elle ne sut quoi faire. Bientôt, les flammes allaient danser sur son corps si elle ne réagissait pas vite. Alors, la seule chose à laquelle elle pensa, c’était de s’agenouiller et de se prosterner devant cet enfer. Et de marmonner quelques paroles pour calmer le courroux du roi des feux.
Heureusement donc que Fehla n’avait pas eu la même idée. En moins de deux, les flammes étaient cendres. Une odeur désagréable s’emparait de la pièce. Les araignées vivant dans le sous-sol : toutes mortes probablement. Assise par terre désormais, complètement abattue, Hye Mi ne savait plus quoi faire. Un sentiment de désespoir grimpait et s’accrochait à son cœur meurtri. Au revoir, araignées.

Un rapide regard de chien battu posé sur Fehla, et Hye Mi fondit en larmes de nouveau. Ce n’était décidément et définitivement pas sa journée. C’était encore pire que les brimades de ses camarades dans son ancienne école. La jeune fille avait l’impression de complètement devoir reconstruire sa vie, comme si elle venait de perdre quelque chose d’important. Peut-être était-ce la claque qu’il lui fallait pour qu’elle se rende compte que son culte pour les araignées ne rimait à rien. Alors, tandis que Fehla la prenait dans ses brais, avec la voix d’une petite fille réprimandée par ses parents, elle se mit à raconter ce qui s’était passé à sa « camarade vaudou » comme elle l’appelait.

« Bah en fait… ce matin… quand je me suis réveillée, j’ai écrasé une araignée. Mais j’ai pas fait exprès, promis ! Et puis, jusqu’à que t’arrives, j’ai fait que prier le grand manitou des araignées… Mais je crois qu’il était tellement en colère qu’il a préféré exterminer toutes les araignées qui vivaient sous mon toit pour qu’elles se réincarnent ailleurs ! C’est pour ça que ce feu est arrivé ! »

Tout en reniflant d’une manière peu élégante, elle sécha ses dernières larmes, et se donna quelques petites claques pour se ressaisir. Si elle devait être honnête, ce n’était pas la présence de Fehla qui lui aurait apporté le plus de réconfort à ce moment-là, elle aurait plutôt préféré se plaindre à son grand frère à Alexis, ou peut-être même Luca ou Avery, et peut-être même… OH ! Le grimoire aux milles secrets ! Lorsqu’elle vit Fehla sortir le livre de son sac, elle regretta toutes ces pensées parasites qui occupaient son esprit, et quelques étoiles se nichèrent au fond de ses yeux qui brillaient à présent comme un bijou de la caverne d’Ali Baba.

Se jetant littéralement dessus, elle tourna toutes les pages en marmonnant quelques « intéressants.. » - « oh ! » « wah, génial ! », comme si elle avait réussi à lire tout le contenu en à peine quelques secondes. Son moral venait de faire les montagnes russes. L’essentiel était qu’un sourire se dessinait sur son visage à présent, bien qu’il était un peu inquiétant…

« Oh ça… c’est ça qu’il nous fauuuut ! » s’écria-t-elle tout en montrant la page ‘Invocation du monstre en spaghetti volant’. « Ils disent qu’il faut qu’on trace un cercle, qu’on mette un plat de spaghetti au milieu, des bougies tout autour, qu’on fasse la danse des spaghettis en tournant deux fois dans la sens contraire des aiguilles d’une montre et trois fois dans le sens des aiguilles d’une montre et qu’on se prosterne et le monstre viendra. Tu crois qu’on pourra manger le monstre après ? »

Mais au fait, qu’est-ce donc qu’une danse des spaghettis ?