« Allons à l'Eden, si tu veux, on donnera des noms aux étoiles. » il lui sourit. Ce large sourire qui avait dont de faire louper un battement au coeur de l'enfant, puis il pinça sa petite joue et ajouta sur un ton moqueur :
« Mais on ne restera pas trop tard, tu restes une petite fille, profites-en pour rêver la nuit. »

« J'ai douze ans, je suis plus un bébé !» s'entendit-elle répondre, piquée à vif, offrant une moue boudeuse mais attendrissante au jeune homme.

« Je traversai un nombre incalculable de mur pour te rejoindre. »

A peine eut-il prononcé ces mots que la couleur de son visage s'apparenta plus à celle d'une tomate, ou d'une écrevisse, au choix. Elle baissa les yeux, espérant qu'il ne remarquait pas l'effet qu'il lui faisait. Il se serait moqué d'elle. Elle était certaine que, s'il comprenait de quelle manière son petit esprit interprétait chacune de ses phrases, il lui aurait sans doute ris au nez. « Voyons, ne sois pas débile, tu restes une petite fille ! » C'est sans doute ce qu'il lui aurait dit, et cette simple phrase aurait sans doute suffi à lui briser le cœur...

Léthal la serra contre lui, la tirant de ses pensées, lui faisait piquer un nouveau fard. Ensuite, sans lui demander si avis, il la fit monter sur ses épaules, lui demandant de la guider jusqu'à l'Eden.
Il avait couru, l'enfant sur ses épaules, tous les deux hilares, tandis qu'elle lui indiquait la le chemin à suivre, bien qu'il devait le connaître. Et c'est comme ça qu'ils étaient arrivés à l'Eden, le souffle court, allongés dans l'herbe, riant encore de leur course.
L'air était toujours frais, mais Noélia le trouvait bien plus agréable qu'à Bloody Lane. Moins humide, moins oppressant... Elle adorait Avenue Of The Rose. Elle aimait son petit quartier sucré mais, habiter ici ne l'aurait pas dérangé non plus.

De nuit, l'Eden était encore plus magnifique que le jour, dans la mesure du possible. L'air frais diffusait l'odeur de chaque sorte de fleurs présentes, la lune éclairait le paysage et le rendait presque féérique. On entendait le bruit des hiboux, le sifflement des oiseaux... C'était paisible, tranquille. Il n'y avait personne à part eux, là où ils se trouvaient. Ils avaient cessé de rire, leur regard étaient rivés sur les étoiles. Ils étaient à quelques centimètres l'un de l'autre. Une distance si infime qui empêchait un contact tellement désiré par la petite espagnole. Une distance presque insoutenable. Il aurait suffi qu'elle tende sa petite main pour le toucher. Qu'elle se décale à peine pour que sa tête puisse se reposer sur son épaule. Mais elle n'osait pas bouger. Il ne le repousserait pas, non, bien au contraire. Mais cette proximité serait encore plus ambiguë pour Noélia. L'aimait-il ? De quelle manière ? Comme une soeur ? Serrait-on vraiment une simple soeur dans ses bras de cette façon ? Ç'aurait été beaucoup trop troublant pour elle. Et pourtant...

« Tu veux l'appeler comment, celle-là l'étoile, dit ? » lui dit-elle en rompant le silence, pointant de son petit doigt l'étoile qui brillait le plus. « On pourrait peut-être l'appeler utopie, non ? Tu as vu comme elle brille ? Plus que toutes les autres ! »

Elle désigna encore plusieurs étoiles, proposant tous les noms qui lui passaient par la tête, riant lorsqu'ils étaient stupides. Elle était bien, là, allonger dans l'herbe avec celui qu'elle aimait. Son île lui semblait tranquille, ses soucis de Guardian semblaient avoir disparu, la guerre était quelque chose de lointain, irréel, surfait... Elle était dans une bulle. Une douce bulle à la carapace épaisse que la simple présence de Léthal créait tout autour d'elle. Elle n'avait pas besoin de partir. Sa simple présence constituait sa propre Utopie. Il construisait son monde parfait avec un simple sourire, une caresse, un baiser sur sa joue. Le fait de l'entendre respirer à côté d'elle suffisait à la rassurer. Dès qu'il partait, elle retournait à la réalité, qui était toujours belle, l'insouciance de son âge la faisait se contenter de peu. Mais elle était déjà bien plus morne, la réalité. Plus terne. Moins belle. Faites de façades plus sombres qu'elle percevait malgré tout. Non pas qu'elle n'aimait pas la vie. Elle la préférait simplement avec le jeune Bloody Lane à ses côtés.

Elle ne résista pas, finalement. Ce fut bien trop tentant pour ne pas qu'elle cède. Il était trop près. Sans le vouloir, sans doute, riant lui aussi au nom idiot qu'elle pouvait inventer, uniquement pour qu'il puisse en rire, d'ailleurs, il avait frôlé son épaule. Il s'était rapproché de quelques millimètres à peine, mais cela avait suffi pour la faire craquer. Elle s'était approchée, posant la tête sur son épaule. D'abord, elle avait trituré ses petites boucles, n'osant rapprocher le reste de son corps. Mais comme il restait paisible, sans broncher, sans montrer la moindre trace d'opposition, elle s'était détendueet coller à lui. Elle avait parlé, parlé. De tout et de rien. De ses journées, de son travail, de l'école. De tous. Elle lui avait parlé d'Alix qui lui manquait, de Thoai qui se montrait toujours supérieur mais qu'elle adorait quand même. Elle lui avait avoué combien il lui avait manqué, pendant tout ce temps. Combien elle avait espéré le voir, tous ce temps. Et ne tenant plus, elle avait décidé de prendre son courage à deux mains et de venir.

« Tu vois, je suis une grande fille ! J'ai pas peur moi des méchants de Bloody Lane ! Ils peuvent pas me toucher, je suis une Guardian ! »

Elle n'était pas très sûre de cette dernière affirmation. Les Bloody Lane ne se seraient pas gênés pour lui faire du mal, selon elle. Mais, le reconnaître serait avoué à Léthal qu'elle avait eu peur et risqué quelques reproches supplémentaires. Alors, elle n'ajouta plus rien. Tournant dos aux étoiles, nicha finalement sa petite tête contre son torse, inhalant son odeur comme s'il s'agissait du meilleur parfum au monde. Elle l'aimait, bon Dieu qu'elle l'aimait ! Ce garçon aux cheveux presque rouge avec ses airs de torturés, son sourire magnifique, ses traits parfaits, son caractère difficile à comprendre, sa tendresse... Elle aimait tout chez lui. Absolument tout.

Elle était bien ce soir. Tellement bien. C'est peut-être pour ça qu'elle avait agis de façon aussi stupide.

Elle avait relevé la tête, la posant sur ses coudes. Elle avait regardé Léthal qui contemplait encore les étoiles avec un petit sourire. Puis elle l'avait interpellé.

« Léthal ? »

Elle regretterait peut-être toute sa vie ses paroles. Mais, aller comprendre pourquoi, elle avait envie de les dire. Là, maintenant, ce soir. Elle sentait qu'il le fallait.

« Je t'aime... »

Puis, perdant toutes raisons, elle avait déposé ses lèvres sur celle de Léthal, tout doucement, honteuse, puis, réalisant ce qu'elle venait de faire, elle se leva d'un bond, paniquée, se demandant si elle devait partir en courant, n'osant même plus le regarder en face.