Ah, l’Eden.

Notre chère Elizabeth s’y était rendue dans l’espoir d’y trouver une quelconque source d’inspiration. Elle s’était laissée portée par les parfums délicats et enivrants de la flore ci-présente, s’était contentée de fermer les yeux quelques instants et savoura la caresse du soleil en cette fin d’après-midi. Dans un premier temps, il s’agissait de se délasser un peu, se décontracter pour évacuer le stress de la journée. Elle demeura debout un long moment, ainsi, paupières closes, histoire de faire le vide, tout en prenant soin d’inspirer et d’expirer profondément.

La journée, quoique peu chargée, s’était d’ores et déjà avérée pleine de déceptions. Le travail de Guardian pouvait être monotone et fastidieux, quand il s’agissait d’éplucher des dossiers par milliers – et ce sans résultat. De plus, aucune nouvelle croustillante n’avait ravit ses oreilles. Qu’était donc sa vie de commère sans son pesant de ragots quotidien ? Je vous le demande. Pis encore, pas de potins sur elle non plus. Donc, aucune piste quand à sa cotte de popularité actuelle. Une mauvaise journée, somme toute. Heureusement, tout devrait revenir à la normale dans quelques semaines, lorsque Wonderland se présenterait enfin en concert. Il devrait y avoir du monde, au bas de la scène, puisqu’il s’agirait d’un concert sur la place de la mairie, gratuit – au grand désespoir de James, qui n’aurait pas dit non à quelques Alouettes.

Mais voilà.
Le concert aussi s’avérait être un problème majeur dans l’existence de notre chère Elizabeth. Avec la guerre des quartiers, tout avait pris du retard, notamment sur les diverses compositions. Son emploi en tant que Guardian lui avait pris d’autant plus de temps, pour tenter de préserver la paix, tout ça… Et les rumeurs allant de bons trains, elle n’avait pas lésiné sur les heures supplémentaires ; elle avait laissé Wonderland aux bons soins des trois autres membres. C’était pour la bonne cause ! s’était-elle récriée quand elle avait dû faire face aux regards accusateurs de James et Sébastien. La bonne cause, la bonne cause, ben voyons. Ils n’étaient pas tout à fait du même avis. Mais dans leur prestance magnanime, ils avaient concédés à lui donner une chance – comment ça, une chance ? N’était-elle pas indispensable ? Malotrus ! – et lui avaient tendus une liasse de partitions. Apparemment, elle devait « assimiler » tout ça pour le lendemain, pour la répétition. Et ces terroristes de la musique lui avaient pris en otage sa guitare, pour, citation : « que tu comprennes ce que signifie l’assiduité. »

En résumé, ils voulaient qu’elle retînt les morceaux, qu’elle leur donnât un avis constructif, le tout sans rien n’entendre. Juste en regardant fixement des notes sur un bout de papier. Ce n’était pas tellement son fort, les bouts de papiers. Vraiment pas.

Elle prit une profonde inspiration et rouvrit les yeux. Les couleurs mirifiques des fleurs lui arrachèrent un sourire léger. Elle se déchaussa, s’amusa du contact de l’herbe sous ses pieds nus, agita les orteils et finalement, se laissa choir sur un vaste paréo d’un gris précieux, peu désireuse de salir sa robe de chlorophylle. Et quelle robe. À la faveur de l’été, la jeune femme avait opté pour une robe courte de couleur indigo. La dentelle de son jupon, turquoise et fleurie, ornait ses cuisses pâles et des motifs floraux de la même couleur étaient brodés tout le long du décolleté ostentatoire de la jeune femme, bordaient aussi le tissus qui dévoilaient son dos. Elle s’était parée pour unique bijoux d’une paire de boucles d’oreilles en argent serti de pierres – turquoises elles aussi.

De son sac assorti, elle tira une première feuille. Plissa les yeux. Lut attentivement. Chantonna quelques notes. Se concentra encore… Peine perdue. Au bout de cinq malheureuses minutes, elle piqua une crise, à bout de patience.

« Putain de partitions à la con ! »

Oui.
De ces jurons, Elizabeth venait de rompre le calme pur et serein de l’Eden.

Une journée de plus. Parfois, la jeune fille se demandait comment sa vie aurait été si elle n'avait pas été à Esplumoir. Question assez intéressant, dans le fait qu'elle ne savait pas la réponse. Peut-être aurait-elle continuée le théâtre? Et aurait achevée son apprentissage à la guitare... Et n'aurait jamais eu cette plume. Bref, sa vie serait devenue monotone, normale, sans rien de spécial. Une vie sans rien de tracé, elle en aurait fait ce qu'elle aurait voulue... Comme beaucoup de personnes qui foutaient leurs vie en l'air. Bref, elle n'aurait pas été la seule à faire ce genre de connerie d'adolescente, mais en même temps, tout le monde en faisait des conneries.

Mais parfois, les conneries pouvaient être mois grave que d'autres. Mais ça restait des erreurs. Maintenant qu'elle y pensait, elle en avait fait beaucoup d'erreurs. Mais bon... Elle ne les regrettaient aucunement. Comme tous les autres, tant que la bêtise n'était pas grave. Mais quand elle le devenait, il y avait toujours des regrets quelque part, même si on ne le montrait pas. La jeune fille était à ce moment là en train de lire un livre, mais sans vraiment le lire. Les phrases étaient incompréhensible, puisqu'elle ne suivait pas l'ouvrage. C'était un livre qui paraissait intéressant pourtant, une pièce de théâtre, comme elle les aimait.

Hamlet, du très célèbre Shakespeare. « Être ou ne pas être, telle est la question... »

Bizarrement, elle aimait beaucoup ce passage. Être ou ne pas être... Question psychologie, cela voulait dire beaucoup de chose, en dehors de la pièce de théâtre. Mais elle n'était pas psychologue, et en avait un peu rien à faire de ça d'ailleurs. Non pas que cela ne l'intéressait pas, mais elle n'avait jamais vraiment étudier le sujet. Elle posa son livre sur la table basse, en face d'elle, et se leva pour aller se préparer à sortir. Elle se vêtit d'une jupe en jean, d'un Tee-Shirt simple et mit ses éternelle paires de chaussure à talons. La jeune fille mit quelque bracelets, et prit son sac. Cependant, elle s'arrêta juste à la porte, se rendant compte d'une chose.

Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas utilisée sa guitare... Elle revint sur ses pas, pris l'étui de sa guitare, son instrument à l'intérieur, l'accrocha à son dos, et sortit. La jeune asiatique ne savait pas où est-ce qu'elle pourrait s'entraîner, mais vu que la guerre était finie, elle se dit alors que le quartiers des fleurs ferait l'affaire. Elle se dirigea vers ce dernier, et chercha des yeux un endroit où elle pourrait s'arrêter pour jouer.

Continuant de marcher sans vraiment savoir où aller, elle repéra vite un endroit adéquat pour elle. L'Eden. Elle aurait dû y penser, mais en même temps, cet endroit n'était pas venue de suite dans la tête de la jeune fille. Ainsi, elle se dirigea vers le jardin, l'esprit tranquille. Ce lieu était remplie de toutes sorte de fleurs, aussi belles les unes que les autres, et le parfum qui en émanait était tout simplement... Unique. S'immobilisant un moment, elle apprécia l'air parfumé, se sentant transporté dans un univers remplie de calme, et qui l'apaisait.

Un univers qui fut troublé par un juron qu'elle entendit au loin. Elle tourna la direction vers la voix qu'elle avait crue entendre, et vit alors une jeune fille, qui paraissait plus vieille qu'elle, et qui tenait dans la main une feuille remplie d'écriteaux noirs dessus. Aneko s'approcha de l'inconnue, et plissa les yeux. Elle tenait dans la main des partitions si elle avait bonne vue. Tiens, elle était musicienne? Elle eu un petit sourire, et voulut prendre la parole. Mais elle se retint au dernier moment. Elle remarqua alors que la fille qui avait lâcher des amabilités, pour ainsi dire, n'avait pas parlée en japonais, mais en allemand d'après ce qu'elle avait entendue. Comment le savait-elle? Parce qu'il y avait plein de gens allemand qu'elle entendait tous les jours parler quelle question. Ainsi, peut-être parlait-elle un peu anglais?

Aneko haussa les épaules. Un allemand connaissait les bases de l'anglais, c'était un truc de base. Enfin, elle savait parler anglais elle, mais seulement grâce à des chansons et à ses dictionnaires. Ainsi, elle prit la parole, essayant de se remémorer quelques phrases en anglais.

«  - Bonjour... Je peux aider? »

Son accent était mortel, on voyait bien qu'elle n'avait pas l'habitude parler de cette langue, mais bon, elle faisait toujours un peu d'effort quand elle pouvait améliorer son langage. Au moins, le fait d'être entourée de personnes qui ne sont pas forcément japonaise l'aidait à mieux parler les autres langues, donc quelque part, elle n'était pas perdante.

Calm down, think straight.

Elizabeth fulminait encore lorsqu’elle entendit des salutations dans un anglais hésitant. Elle haussa un sourcil et leva son regard rougeoyant sur la nouvelle venue. À son physique, dur de ne pas comprendre qu’elle était asiatique. Elle partageait néanmoins quelques caractéristiques communes avec cette fille : des cheveux d’un noir profonds lisses, très longs ; une taille approchant le mètre soixante quinze – peut-être était-elle un peu plus grande qu’elle, même ? Difficile d’en juger assise – taille mannequin, donc ; puis sa peau, opaline. Si ces détails l’amusèrent, elle n’en montra rien, elle était bien trop furibonde pour ça.

Mais, aussi énervée qu’elle pouvait l’être, Liz’ se força à prendre sur elle. Elle s’imprégna de l’ambiance paisible de l’Eden pour s’intimer le calme. Elle répéta le même processus que précédemment, se fit plus attentive, usant de ses sens pour humer la brise estivale au parfum chargé de pollen et de sa main, frôla doucement l’herbe sous elle. Un jour, il faudrait qu’elle prît le temps de féliciter les jardiniers. Elle prit une grande inspiration et se souvint qu’elle ne pouvait pas laisser une question sans réponse. Si elle avait besoin d’aide ? Elle foudroya du regard la feuille de partition, avant de répondre dans un anglais fluide, quoi qu’agacée :

« Salut. »

Elle ne daigna pas se présenter, après tout, elle était une célébrité sur toute l’île ! Jamais il ne lui viendrait à l’idée de préciser qu’elle était Elizabeth Millbelt, LA chanteuse et guitariste de Wonderland. Ah, elle serait bien agacée que cette fille, en plus de ne pas lui demander d’autographe et de ne pas la fixer avec ces grands yeux admiratifs que l’on réservait pour les grandes stars, lui demande son nom. Quant à l’identité même de son interlocutrice, ce n’était pas tellement sa priorité dans l’immédiat. Elle tenait à se plaindre tout d’abord, faire connaissance ensuite. Logique implacable d’Elizabeth, il fallait croire. Elle poursuivit donc, tout en désignant le tas de feuille qu’étaient ses partitions :

« Je dois travailler tout ça pour demain, les autres membres de Wonderland me prennent la tête avec ça. Ils ont même pris ma guitare pour se venger… »

Elle réalisa alors qu’elle parlait probablement trop vite pour son interlocutrice et s’empressa de s’excuser. Cette histoire de micro-clip commençait à lui courir sur le haricot, tiens. Pourquoi diable ne pouvait-on pas communiquer tranquillement ? Et, surtout, pourquoi l’école n’enseignait pas l’anglais de manière plus intensive pour palier à ce genre de problèmes. Parlant elle-même trois langues, elle se voyait mal se balader avec un dictionnaire dans son sac – encore moins de chinois, de japonais ou qu’en savait-elle ! Il y avait bien trop de nationalités sur Esplumoir pour se permettre de tels oublis. À moins qu’ils ne fussent volontaires ? Voilà qui serait pire. Mais, les obscurs desseins des dirigeants ne l’intéressait pas vraiment ; seul son embarras pour communiquer l’agaçait. Comment diable pouvait-on récolter des informations si on ne comprenait pas la langue parlée ! Un enfer. L’existence sur cette île devenait un enfer.

Elle se força à inspirer, puis à expirer. Elle parla lentement, s’efforçant d’articuler chaque syllabe. Nom d’une Plume, elle se sentait vraiment ridicule.

« Je parle anglais, français, allemand, et j’ai des bases en italien… »

Elle esquissa une moue mi-désolée, mi-contrariée, et espéra de tout cœur qu’elles parviendraient à communiquer. Son regard s’était bien vite posé sur la sacoche à instrument que baladait l’asiatique et, pour le coup, elle lui serait vraiment très utile. Utile signifiait donc, dans le langage Elizabethien, qu’il ne fallait pas négliger cette personne. Du moins, fallait-il qu’elle possédât ne guitare, pas une basse, ou quelque instrument de musique incongru qui aurait ruiné tous ses plans. En même temps, il semblait que la musique fût un langage universel. En cela, peut être arriveraient-elles à quelque chose ?

Oui, par pitié, une guitare.

Bizarrement, cette fille lui rappelait quelqu'un, mais elle ne savait pas qui exactement... Pourtant, ce n'était pas comme si elle avait une mauvaise mémoire, cependant cette dernière lui faisait défaut à ce moment précis. Elle détailla rapidement la fille, qui devait être aussi grande qu'elle, possédant des cheveux aussi noir, lisse en longs que les siens, et semblait cependant un peu en colère. C'était cette feuille de partitions qui la mettait dans cet état?

Elle plissa les yeux. Satanée mémoire, elle était certaine de l'avoir déjà vue quelque part... Mais où? Là était la question. Car elle n'avait pas l'impression de l'avoir déjà en vrai, mais sa tête lui disait quelque chose... Mais si elle ne l'avait jamais vue en vrai, comment l'avait-elle déjà vue? Moment de réflexion, elle n'en savait absolument rien. Aneko soupira doucement, sans se faire entendre, puis regarda autour d'elle. Cet endroit était vraiment beau... Tiens, elle se souvenait alors d'une connaissance qui travaillait ici, quand elle aurait du temps, elle irait la voir.

« Salut. »

Son ton paraissait agacé, mais comme elle ne parlait pas trop anglais, elle ne connaissait pas trop les accents qu'il y avait. Mais bon, elle n'avait pas l'air de bonne humeur non plus, donc bon... Mais elle ne se présenta pas, donc cela n'aida pas Aneko à savoir qui était cette fille. Bah... Elle le saura à un moment où un autre de toute manière, non? Il suffisait juste d'attendre. Elle reporta son regard sur la jeune fille, et la regarda de plus près... Mais qui était-elle? Aneko secoua la tête. Inutile de chercher, elle ne trouverait pas, alors à quoi bon se prendre la tête avec ça?

« Je dois travailler ... pour demain, les …. membres de ... prennent la ... avec ça. Ils ... pris ma guitare ... venger… »

Elle parlait tellement vite que la jeune fille ne comprit même pas la phrase entière. Cependant, elle avait compris qu'elle devait travailler ces partitions pour le lendemain, et qu'il y avait d'autres personnes qui l'embêtait avec ça, pour pas dire autre chose, et qu'elle n'avait pas de guitare car ils le lui ont pris pour se venger? Enfin, c'était une suite logique aux mots qui manquaient, cependant elle ne comprit pas c'était les membres de quoi. D'un groupe? Donc elle serait musicienne? Cela serait logique vu les partitions, mais cela ne l'aidait pas à savoir qui elle était.

Elle aurait voulue comprendre sa phrase en entière, et jura intérieurement. Ce système n'aurait vraiment pas du se désactiver, c'était vraiment... emmerdant. Les gens avaient un peu plus de mal à communiquer, et surtout, certains ne parlaient pas la même langue que d'autres, enfin, beaucoup même. Ce qui était d'autant plus agaçant quand ces personnes se parlaient bien. Heureusement, il y avait des langues telle l'anglais qui étaient connue de tous à peu près. Ce qui arrangeait les chose.

Son interlocutrice parla lentement, pour qu'elle comprenne mieux ce qu'elle disait, mais la jeune asiatique trouvait cela un tantinet frustrant.

« Je parle anglais, français, allemand, et j’ai des bases en italien… »

Elle eu une moue bizarre après, et Aneko eu un sourire. Elle n'avait pas de guitare, et elle en avait une. Au pire, elle pourrait vraiment l'aider non? Elle s'assit sur l'herbe, et mis la sacoche de sa guitare sur ses genoux. Elle ne savait toujours pas qui était cette fille, mais si elle pouvait l'aider pour ces partitions pour qu'elle puisse apprendre ces dernières, pourquoi ne pas lui prêter sa guitare? Peut-être même qu'elle pourrait mieux apprendre à jouer en la regardant?

« Moi je parle anglais... Japonais, et c'est tout »

Elle ne parlait pas beaucoup de langue, mais c'était déjà pas mal. Elle regarda les partitions, puis reprit la parole après avoir réfléchie à une phrase.

« Si tu as vraiment besoin d'une guitare... Je peux te prêter la mienne... Enfin, si tu en as besoin. »

Of course I need it.

Que c’était lent.

Parler de façon à être comprise ou encore laisser le temps à chacun de penser sa phrase… Que cela était agaçant ! Elizabeth se promit de se renseigner d’avantage sur cette panne des micros-clip dès le lendemain. Cela ne pouvait tout bonnement plus durer. Hors de question qu’elle passât une semaine de plus à s’exprimer comme une demeurée sous prétexte qu’elle devait comprendre et être compris. Cet effort était aussi lassant qu’inutile à ses yeux. Heureusement qu’il y avait quelques personnes qui parlaient les mêmes langues qu’elle et ce, de façon fluide et naturelle. Sinon, tout serait constamment frustrant. Allez, un bon coup de pied au cul à l’équipe chargée de la maintenance et de la réparation du système, et tout irait pour le mieux dans le meilleur de mondes.

Malgré ce léger problème de communication, la Guardian commençait à se sentir plus à l’aise. La bonne humeur, qui l’avait désertée jusque là, se faisait une petite place, docile et charmante, dans son état actuel. La vision de la guitare – parce qu’il s’agissait bel et bien d’une guitare ! – eut le don de la réconforter. Elle s’en sortirait peut-être, tout compte fait, et cela était une bonne nouvelle. À la vue de l’instrument, un sourire ravi s’étira sur ses lèvres, soulignant son côté aimable dédié à ses intérêts. Elle caressa du regard l’étui, essaya d’imaginer quel type d’instrument cela pouvait être, de quelle qualité elle serait, le touché des cordes. Liz’ était de ceux qui pensaient que chaque instrument était unique. Ils avaient une sorte d’âme, douceâtre ou sulfureuse, selon la qualité de base, mais aussi la façon dont il avait été rôdé, soigné ou au contraire, délaissé. La découverte de l’instrument l’intriguait, donc, et attisait sa curiosité.

Elle espérait juste qu’elle n’aurait pas besoin de l’accorder. En même temps, cela ne lui coûterait pas grand-chose de le faire.

« Ouah, tu me rendrais vraiment service ! Tu contribuerais même à l’aboutissement du prochain concert de Wonderland, ainsi. »

Elle tâchait de parler lentement pour être certaine d’être comprise.

« Je crois qu’on ne se connaît pas. Comment t’appelles-tu ? »

Elle trouvait ces formulations assez étranges. D’ordinaire elle aurait cherché à faire les présentations de façon plus spontanée. Mais tant pis, elle s’y ferait.

Elle entreprit de ramasser la liasse de partitions, feuilleta son contenu, dans l’espoir d’en trouver une qui l’inspirerait plus que les autres. Grâce à la guitare, elle serait plus à même de fredonner dessus, et donc ressentirait beaucoup mieux la musique. Elle ne demandait que ça, d’ailleurs, pour assimiler les morceaux.

L’autre point positif, selon elle, était qu’elle avait une oreille à disposition. Elle pourrait ainsi lui demander son avis, si elle s’avérait disposée en lui en donner un. Liz se demandait si elle apprécierait le genre – elle ne s’était pas encore prononcée sur Wonderland – et si elle serait vraiment en mesure de l’aider. Cela rendrait son apprentissage que plus sympathique. Et, comment son interlocutrice se débrouillait-elle, à la guitare ? Là encore, il y avait de quoi attiser la curiosité sans limite d’Elizabeth.
Peut-être devrait-elle suggérer à son vis-à-vis de jouer un morceau ? Voilà qui lui permettrait de faire connaissance musicalement parlant ; elle en apprendrait bien plus que lors d’un interrogatoire. La musique parlait pour les gens, elle les représentait. Tout, dans le choix musical ou dans la manière de jouer pouvait délivrer quelques secrets sur la personnalité d’un individu ou sur son humeur. Et au moins, Elizabeth ne se jetterai pas sur l’instrument comme une malotrue. La politesse – ou autre forme d’hypocrisie selon elle – était d’une importance capitale, dans les rapports sociaux.

Jusque là, la jeune femme lui paraissait juste assez avenante, mais peu extravertie ; discrète. Était-ce en raison de la barrière des langages ? Son manque d’assurance en anglais bridait-elle toutes ses habitudes ? Ou bien, était-ce son naturel ? Auquel cas, il semblerait qu’elle fût tout le contraire d’Elizabeth, malgré leur ressemblance physique.

Drôle de hasard, n’est-ce pas ?

Aneko regardait la jeune fille, qui semblait s'être un peu calmée. Bon, au moins c'était déjà ça... Puis elle reporta son attention sur sa sacoche, connaissant l'instrument qu'il y avait à l'intérieur comme personne. Une guitare basique, mais qui semblait toujours aussi neuve que sa première utilisation, deux heures après son achat. Elle eu un sourire, puis soupira. Le fait de ne plus pouvoir parler normalement la fatiguait, et elle ne savait pas pourquoi c'était si... Dur de parler normalement. Enfin, elle apprenait... Bon, passons. Ce truc finirait par revenir, et tout rentrerait dans l'ordre.

Elle reporta son attention sur la fille-qui-lui-rappelait-quelqu'un et la vit sourire. Donc, la guitare pourrait vraiment l'aider, ce qui soulagea un peu la jeune asiatique. Au moins, elle ne subirait pas les foudres d'une fille en colère aujourd'hui, c'était déjà ça. Elle la laissa caresser l'étui, et se dit alors qu'elle devait être une bonne musicienne. Heureusement, Aneko l'avait accordée peu de temps auparavant, alors il n'y aurait pas besoin de le faire. Elle se demanda alors si son groupe était connue, quand elle prit la parole:


« Ouah, tu me rendrais vraiment service ! Tu contribuerais même à l’aboutissement du prochain concert de Wonderland, ainsi.. »

Wonderland... Tiens, ce nom ne lui était pas inconnue... Elle fronça les sourcils, faisant travailler sa mémoire.

« Je crois qu’on ne se connaît pas. Comment t’appelles-tu ? »

La jeune asiatique sourit, et pencha la tête sur le côté. Wonderland... Nom d'un chien, cela lui rappelait quelque chose... Un groupe de musique, voilà, c'était un groupe de musique! Donc.. Elle en faisait partie? Sûrement... En tout cas, maintenant qu'elle y pensait, c'était fort probable. Donc, elle était en face de la chanteuse? Ce n'était pas tous les jours qu'elle rencontrait ce genre de célébrités, pour ainsi dire.

Cependant, elle ne fit pas comme toutes les fans, à se jeter sur elle en criant « Aaahh.... je veux un autographe! »... Rien que d'y penser elle en eu la nausée. Ce genre de comportement était tout simplement puéril, et en plus, c'était inutile. La jeune fille soupira, pensant que la vie de célébrités devait être vraiment... Dure des fois. Elle mit sa main sur la fermeture de la sacoche, et l'ouvrit légèrement avant de répondre à sa question.

« Je m'appelle Aneko, et toi?»

Enfin, elle la connaissait, mais pour le moment, elle voulait juste parler à une personne normale, et le fait qu'elle soit une célébrité allait peut-être compliqué les choses, mais il n'y avait rien de plus normale que de parler à une personne normale, qui que soit cette personne. Car au fond, on était tous normaux, sauf sur cette île, mais il n'empêche pas que pour le moment, cette fille était aussi normale qu'elle... C'était juste le titre qui faisait la différence. Et pour le moment, Aneko ne faisait pas attention à son titre. Mais juste à la personne.

Well... Nice to meet you~

Si elle n’en montra rien, Elizabeth demeura quelques instants interdite. Avait-elle bien dit « et toi ? ». Fichtre. Dire qu’elle était musicienne, cette Aneko. Pour quelqu’un comme Liz’, qui accordait tant d’importance à la célébrité, voilà qui était assez décevant. Pas une déception dirigée directement sur son interlocutrice, non. Mais plutôt dirigée contre le monde entier. Voilà qu’elle se donnait un mal fou, depuis des années, pour être reconnue à chaque coin de rue ; probablement en vain. La popularité continuait à lui échapper, sournoise, la laissant brasser de l’air pour rien. La vie avait vraiment quelque chose d’injuste.

Le bon côté, c’était qu’Aneko avait quand même l’air de s’interroger. Peut-être parlait-elle encore trop vite ? Ou bien la notoriété du groupe faisait tout de même son effet… Elle espérait. Au moins, rien ne serait perdu. Puis, rien ne servait de s’acharner, après tout. Si elle ne la connaissait pas, c’était certes triste, mais certainement pas la fin du monde. Il suffisait qu’elle se présente, là, tout de suite, avec un sourire des plus charmants, et ainsi se faire connaître. D’où l’utilité des nouvelles rencontres. Elle se para donc de son plus beau sourire et, de sa voix suave, prit un ton assez formel pour ne pas paraître arrogant :

« Elizabeth Millbelt. Ravie de faire ta connaissance. »

La formule, là encore, ne l’enchantait guère. Mais en anglais, elle avait le mérite d’être claire, concise. Idéale pour se faire comprendre. Puis, son nom sonnait délicieusement bien en anglais aussi, n’est-ce pas ?

En réfléchissant aux sonorités, elle prononça Aneko mentalement. C’était plutôt joli, comme nom. Néanmoins, en absence d’accentuation et tonalité japonaise, il paraissait beaucoup plus sec, moins mélodieux. Ce qui rendit immédiatement Elizabeth assez perplexe. Aurait-elle plus de succès si elle prononçait systématiquement son nom à l’anglaise ? Ou peut-être à l’américaine ? À moins que son accent suisse, à mi-chemin entre l’allemand et le français – le plus francisé possible, c’était tout de même sa langue maternelle ! – avait plus de charme, plus d’exotisme. La question méritait d’être approfondie, et la chanteuse se promit de se perdre dans cette réflexion plus tard.

Dans l’immédiat, bien d’autres choses la taraudaient.
Cet étrange rituel, qu’on nommait faire connaissance, elle ignorait comment l’aborder dans ce cas précis, toujours enchaînée par le problème des micro-clips et son manque de spontanéité en la matière. Autant le dire tout de suite : une femme qui agit que dans son intérêt – comme c’était le cas d’Elizabeth – n’avait pour crédo que l’hypocrisie et le charme. Or, dans ce cas précis, si proche de son univers de prédilection – la musique venait juste après son goût pour les tenues aussi extravagantes que distinguées – elle se sentait moins à même de jouer son éternelle petite comédie.

Alors, lui revint l’idée d’un peu plus tôt, qu’elle avait vaguement chassée après la terrible révélation de son passage incognito. Puis les prénoms avaient aussi demandé toute sa concentration de l’instant. Bref. Plus tôt, donc, elle songeait à demander à sa bienfaitrice de lui jouer un morceau. Peut-être que le moment était approprié, plutôt que de laisser un silence presqu’embarrassant s’installer entre elles.

« Dis-moi, tu voudrais jouer un morceau, pour moi ? »

Elle réalisé alors que, dénuée de tout lien logique, sa question soudaine pouvait paraître assez étrange. En faible explication et accompagnant la parole de gestes assez confus dans l’espoir d’être mieux comprise, elle développa :

« En fait, je suis assez curieuse, et je pense que c’est un bon moyen de faire connaissance. »

Un sourire avenant, bien plus naturel, s’étira sur ses lèvres, histoire de détendre l’atmophère.

Elle vit alors que la jeune fille en face d'elle avait l'air.. déçue. Tiens donc... Le fait qu'elle fasse semblant de la connaître la décevait? Hm.. Elle devait être habituée à être connue, ou reconnue dans ce cas, ce qui n'était pas forcément une bonne chose. Enfin bon, c'était comme ça qu'elle était, et elle en apprendrait sûrement plus à l'avenir. Du moins, le pensait-elle. En même temps, elle n'allait pas lui faire un interrogatoire non plus, elle avait sûrement mieux à faire, et surtout, elle n'en voyait pas l'intérêt.

Elle continuait de sourire cependant, après tout, elle n'allait pas lui reprocher d'être déçue, c'était sûrement une habitude pour elle d'être reconnue, alors bon. Ce n'était pas parce qu'elle faisait semblant qu'elle ne la connaissait pas, mais c'est juste qu'elle ne se voyait pas du tout se comporter en groupie et faire ce que les groupies font. D'ailleurs, elle ne savait même pas ce que faisaient le groupies, vu qu'elle ne les regardait même pas. Elles les trouvaient si.. pathétique. Mais bon, ce n'était pas le moment de penser à ces... choses. Regardant la musicienne, cette dernière souriait et se présenta à son tour.

« Elizabeth Millbelt. Ravie de faire ta connaissance. »

Tiens, elle avait raison. C'était bien la guitariste et chanteuse du groupe de Wonderland. Aneko ne disait rien, toujours souriante, puis regarda la sacoche de sa guitare, qu'elle avait à peine ouverte. Elle aimait bien jouer... Et dire qu'elle avait appris ça il y avait déjà deux ans, mais elle avait l'impression que cela remontait à hier. Ces moments lui manquaient... Mais en même temps, pas vraiment. Elle n'aimait pas se perdre dans son passée, ce dernier n'avait que des mauvais souvenirs.


« Dis-moi, tu voudrais jouer un morceau, pour moi ? »

La jeune asiatique releva la tête vers la musicienne, puis sourît. Tiens donc.. elle voulait l'entendre jouer?

«En fait, je suis assez curieuse, et je pense que c’est un bon moyen de faire connaissance. »

Aneko sourît, puis ouvrit la sacoche entièrement, laissant apparaître sa guitare, qui paraissait presque neuve. Elle brillait sous la lumière tant elle était propre, Aneko la nettoyant dès qu'elle le pouvait, car elle n'aimait pas du tout avoir des affaires poussiéreuse, puis la posa sur ses genoux. La regardant un instant, elle sourît, puis se mit en position pour jouer.

Ses doigts caressèrent les cordes un instant, puis elle commença à jouer. Les notes étaient douces, et résonnaient dans le lieu silencieux, parmi les fleurs et les arbres. Appréciant le son qui émanait de l'instrument, elle continua à gratter, tout en gardant un œil sur le manche, pour ne pas jouer de fausses notes. Tant pis si Elizabeth n'aimait pas, elle, elle appréciait ce qu'elle faisait, qu'importe l'avis des autres.