Alix regarda le ciel. Le soleil n'était pas encore couché, elle avait donc un peu de temps devant elle. Elle s'était bien divertie avec Akisa, et le dessin que l'adolescente lui avait offert était encore dans sa main. Elle s'arrêta et porta l'oeuvre devant ses yeux, s'émerveillant encore et encore de la finesse des traits et du réalisme saisissant. C'était vraiment incroyable. La fillette sourit en regardant Diamond, logé dans le creux de ses genoux. Il semblait si paisible, presque endormi. Il n'était pas sauvage, cela ne faisait aucun doute. Elle eu un petit pincement au coeur, en se disant qu'elle aurait certainement pu le garder. Mais cela avait fait tellement plaisir à Akisa ! Elle se rappela son sourire quand elle avait prit le Lunatic dans les bras, et ce souvenir lui ôta tout regret. Elle avait fait le bon choix, elle le sentait au fond d'elle même, au plus profond de son âme. Et puis, avec toutes ces pensées noires qui lui trottaient dans la tête, elle n'aurait sans doute pas eu le temps de s'occuper du petit animal.

Elle se secoua un peu la tête, comme pour se remettre les idées en place, et décida qu'elle allait faire un tour dans la forêt. Quand elle y était allée avec le monsieur qui lui avait fait visité l'île, elle avait adoré le décor. Elle se remémorait très bien les grands arbres majestueux, les petits arbustes sur le bord du chemin ... Elle se souvenait des petits animaux qui couraient sur les côtés, et qui, curieux, revenaient passer leur tête entre deux brins d'herbes ... C'était l'endroit idéal où aller, à l'abri du vent, et de tout. Et puis, si elle suivait le chemin, elle ne se perdrait pas. Elle avait beau aimer le paysage, elle n'avait pas non plus envie d'y passer la nuit.

Elle rangea soigneusement le dessin dans sa petit sacoche qu'elle trainait toujours avec elle, et se dirigea vers les immenses arbres qui dépassaient. Elle n'en avait pas pour très longtemps, et elle pressa même un peu le pas. Les bourrasques de vent devenaient de plus en plus agaçantes, et se mettre à couvert devenait une priorité. Ses cheveux volaient dans tous les sens et la fouettaient douloureusement.

Lorsqu'elle pénétra enfin dans les bois, les arbres qui faisaient rempart contre le vent furent un véritable soulagement. La petite anglaise se recoiffa, lissa sa robe et s'engagea sur le chemin qui menaient jusqu'à elle ne savait où. En marchant, elle passait délicatement ses doigts sur l'écorce des arbres, les laissant trainer doucement. Elle cheminait d'un pas léger, insouciante. Elle se sentait bien, dans l'ombre fraîche des arbres qui la dominaient de toute leur hauteur, impériaux. Même en levant la tête, elle avait du mal à voir leur feuillage, et elle se demanda distraitement combien de temps il fallait à un arbre pour grandir pareillement. Des dizaines, voire des centaines d'années ! Esplumoir était donc une trèès vieille île.

Elle remarqua alors, sur le bord de l'allée, un petit Lunatic qui l'observait discrètement. Elle s'accroupit, et s'approcha de lui lentement. Cependant, elle n'eut pas le même effet que pour Diamond, et le petit animal partit en courant. Alix, bien décidée à ne pas le perdre, se lança à sa poursuite. Slalomer entre les arbres n'était pas chose facile, et elle avait du mal à suivre du regard la petite boule de poils blanche qui filait devant elle. De temps en temps, celle-ci disparaissait pour réapparaître quelques mètres plus loin. La fillette avait presque même l'impression que l'animal s'arrêtait parfois, comme pour l'attendre. Et à peine pouvait-elle le voir, qu'il repartait comme s'il avait le feu aux trousses.

Au bout d'un certain temps de course à travers les bois, il pila net et la petite anglaise fit de même, surprise. Elle observa pendant un long moment le petit animal qui lui tournait le dos, et décida de s'approcher de lui. Il sentit son arrivée, et se retourna vers elle. Alix était totalement déroutée par cet étrange comportement, et alors qu'elle s'accroupissait pour tendre la main et le caresser, le Lunatic repartit comme une flèche. L'anglaise se releva immédiatement, et repartit à sa poursuite. Elle remarqua cependant qu'il ne l'attendait pas, et bientôt, elle le perdit complètement de vue.

Elle se rendit alors compte qu'elle était seule, dans une immense forêt, et qu'elle avait suivi un animal qui ressemblait fortement à un lapin, sans même réfléchir une seule seconde. Elle regarda autour d'elle, pivota dans tous les sens, et l'évidence lui sauta aux yeux.

Elle était perdue.

Perdue. Abandonnée. Délaissée. Égarée. Et surtout, seule. Elle était seule.

Alix fit alors ce que font toutes les petites filles lorsqu'elles se rendent compte qu'elles sont perdues : elle se recroquevilla sur elle même et pleura. Longtemps, amèrement, regrettant son imprudence et sa témérité qui l'avaient poussée à suivre le petit animal. Elle voulait maudire le Lunatic de l'avoir laissée, mais elle aimait trop les boules de poils pour en avoir la force et le courage. Alors elle voulut s'en prendre à la Terre entière, au Monde entier. Aux innocents, aux coupables ... A tous. Ses doigts crispés s'enfoncèrent dans le sol meuble et le labourèrent cruellement. Les perles salées qui coulaient sur ses joues terminaient leur course dans la mousse, formant comme des gouttes de rosée. Ses longs cheveux châtains trainaient lamentablement sur le sol, s'imprégnant de l'odeur de la terre et des saletés qui allaient avec. Si seulement elle était rentrée au dortoir directement après la plage. Si seulement son amour des animaux n'avaient pas été aussi fort pour la pousser à suivre l'animal. Si seulement ... Il y avait tant de choses qu'elle regrettait. Et puis, là, personne ne viendrait la chercher. Elle resterait jusqu'à la fin de ses jours dans cette immense forêt, à se rappeler tous les beaux jours qu'elles avaient passé.

Elle ne sut pas exactement combien de temps elle resta prostrée sur le sol, mais elle se rappelait de l'exact moment où elle sentit un petit contact tout doux contre sa joue. Elle releva la tête, et sécha ses yeux rouges et gonflés par les pleurs. Lesdits yeux s'écarquillèrent alors de surprise. Autour de la petite fille, des dizaines de Lunatics la regardaient, accompagnés de quelques Wolfs et d'un bon nombre de porings de toutes les couleurs. Pendant quelques secondes, elle en oublia même de respirer, tellement elle était abasourdie.

Une question lui traversa alors l'esprit. Était-elle au paradis ? Toutes ces boules des poils qui la regardaient, ce sentiment d'union avec eux ... Ce ne pouvait pas être réel. Elle était restée trop longtemps dans la forêt, et elle était morte. Comme devaient le penser ses parents. Morte. Partie. Envolée. Libérée des entraves du monde des mortels. Cela ressemblait donc à ça le paradis. Une immense forêt, remplie d'animaux de tout genre ressemblant fortement à ceux d'Esplumoir.

Mais oui ! Esplumoir ! Elle n'était donc pas morte. Alix sourit, en pensant à la situation. C'était ... grotesque ? Ridicule ? Stupide ? Les adjectifs ne manquaient pas. Elle était toujours dans la forêt. Perdue. Mais elle n'était plus seule. Un des Lunatics s'approcha d'elle, et elle crut reconnaître celui qu'elle avait suivi pendant si longtemps. Cette fois ci, quand elle tendit la main pour le caresser, il ne se déroba pas. Un des Wolfs le rejoignit alors, et apprécia tout autant la cajolerie. Il se colla à elle, et elle l'entoura de ses bras en riant. Elle nageait en plein rêve, dans la réalité. Alix lui déposa un doux baiser sur le nez, et le regarda droit dans les yeux. L'animal ne flancha pas et soutint son regard. Avec un sourire, Alix déclara :

"Je vais t'appeler ... Black Star. Car dans tes yeux noirs, nagent des étoiles ."

Le nouvellement nommé Black Star montra son accord en se collant contre la petite fille, lui léchant le visage par la même occasion. Alix éclata de rire, et lui donna une petite tape sur le nez, douce et inoffensive.

"Dis moi Black Star, tu ne sais pas où nous sommes par hasard ? "

D'un geste sec, elle se donna une claque. Non mais elle pensait à quoi là ? Elle parlait avec un Wolf ! Comme s'il allait la comprendre. Quelle idiote. Pourtant, le Wolf ne semblait pas étonné. Il aboya faiblement, et un autre Wolf sortit du groupe. Il se rapprocha du couple Alix/Black Star, et donna un coup de langue affectueux sur la joue de la petit anglaise. Décidément, ils aimaient bien lui lécher le visage !Oh et puis zut ! Elle se sentait tellement seule.

"Et puis, Black Star, tu voudrais pas essayer de me ramener sur le chemin principal ? Je me suis perdue en suivant le Lunatic. "

Et là, elle fut sûre que le Wolf avait compris. Il se leva, et d'un petit aboiement, l'invita à faire de même. Elle s'exécuta, et d'un geste de la main rapide, elle lissa le bas de sa robe, essayant d'enlever les saletés au passage. Elle remit négligemment ses cheveux, enfreignant par la même occasion les règles qu'on lui avait enfoncées dans le crâne. Il se mit en route, en trottinant doucement, s'arrêtant sans cesse pour l'attendre. Il se retournait souvent vérifiant qu'elle la suivait, et quand il était sûr, il repartait tranquillement.

Ils arrivèrent alors dans une vaste clairière, parfaitement ovale. La forme n'avait d'ailleurs pas l'air très naturelle, mais Alix passa sur le détail. Un chemin partait sur la droite, mais la fillette était trop fatiguée pour poursuivre. Elle s'assit sur le sol, et se laissa tomber en position allongée. Black Star vint se blottir contre elle, et elle le serra dans ses bras comme un peluche. Tous les autres animaux arrivèrent ensuite, et s'installèrent confortablement autour d'elle, comme pour la protéger.

La fillette caressa longuement le pelage de son nouveau familier, et s'endormit le sourire aux lèvres. Elle savait parfaitement qu'elle ne craignait rien.

Comme si la terre se brisait, s'écorchait, se déchirait, dans un espèce de cri silencieux, et pourtant bien perceptible. Le coeur de la jeune Ravenswood était dans un profond deuil, une douleur qui rongeait son pauvre petit coeur, elle était en train de fondre dans un désarroi impossible.

« Plus très long .. cède Faith. Cède ma douce. Cède jolie créature. »

Les ongles de la jeune fille se plantaient dans son oreiller jusqu'à le morceler. Son frêle corps devait trembloter un peu. Et puis elle se tournait un peu sur la gauche, un peu sur la droite. Elle tremblait. Elle tremblait beaucoup. Ses mains agrippaient alors à la couverture, et puis son souffle coupé, haletant, témoignait de sa frayeur.

« Plus très long... suis la lumière jeune Faith. »

Les larmes perlaient sur son visage d'un pale maladif. Ce lit de malade. L'était-elle réellement ? Les yeux grands ouverts, elle venait de s'échapper des terribles tourments d'un songe mouvementé. Cinq minutes, le temps de reprendre une respiration normale. Mais toujours les yeux grands écarquillés, Faith fixait le plafond d'un regard las, elle était désemparée en tout point. Cela devait faire une semaine qu'elle faisait le même rêve aux symboles dont elle n'arrivait à cerner le sens. Cette ombre d'une parfaite lueur, cette voix cristalline et pourtant si ténébreuse, ce chemin qui ne finissait jamais. Ah, ces paroles envoutantes. Le beau piège ! Posséder la Plume du Contrôle du rêve lui indiquait qu'un sombre événement était à venir. Le fait était qu'elle pouvait difficilement analyser ses propres rêves; l'adolescente réservée en déduisait tout simplement qu'elle devait céder à ses sombres sentiments qui se cachaient derrière son sourire de petite soeur innocente. Ces sombres sentiments envers son propre frère.

Se levant alors, Faith alla s'asseoir au bord de son lit, à la base un superbe lit à baldaquin, aux teints rose et blancs. Désormais un espèce de lit complètement déchiré, comme abandonné depuis des siècles, ou pire, habité par une sauvage aux activités nocturnes plus que douteuses. Dans un soupire peu élégant, l'adolescente fixait son double dans le miroir doré d'en face. Quel visage désolant. Comme elle apparaissait pitoyable. Complètement abattue, elle remit une de ses longues mèches derrière son oreille, avant de quitter sa chambre. Ses pas résonnaient autant que ceux d'un fantôme. Attrapant au passage une longue cape d'un blanc lunaire, elle quitta sa demeure, toujours dans sa robe de nuit, refermant la porte dans une discrétion digne des plus grands criminels.

Les rues lors d'une telle nuit, c'est-à-dire vêtue d'une magnifique robe noire, semblaient toujours mal éclairées. Mais Faith, bien que ne sachant pas quelle était sa destination finale, marchait d'un pas sur. Elle semblait comme attirée vers un quelque chose, comme si elle retournait vers un endroit auquel elle appartenait. Comme si ce n'était possible que cette nuit, et aucune autre nuit. C'était tout juste comme si son destin était tout scellé, que tout était prévu, qu'elle ne décidait jamais rien et qu'elle était poussée par une force obscure. Chaque pas, un visage différent.

La première [Faith] était une poupée de verre. Ses yeux presque larmoyants, elle n'était qu'une poupée. Effrayante, cet objet qui n'était pas vivant, et pourtant, pourquoi son regard se voulait aussi larmoyant, si profond, ampli d'une douce haine, d'une haine qu'elle ne souhaitait pas, d'une haine qu'elle ne contrôlait pas, ah, haine séraphique. Car parfois, l'amour est tel qu'on peut ressentir une haine identique. Froide au touché, la douceur n'en est pas moindre lorsque la soie glisse sur cette peau laiteuse, cette parfaite peau unie et blanchâtre, cette pureté jusqu'à dans son cou parfum fruité. Elle avance d'une cadence sereine, spectrale. Elle avance. Elle tombe.

Lorsque le verre se brise, la deuxième Faith est un parfum, une rosée. Les bouts de glace vous coupent les doigts, votre sang se mêle à la rivière enchantée de mots fantaisistes coulant dans les veines de la poupée bannie. Votre main brûle, votre sang coule encore, mais elle, elle chante. Elle chante des paroles sucrées, elle chante des mélopées, des romances, elle vous hypnotise de ses chimères. Vous ne pouvez vous arrêter, il faut l'écouter. En savoir plus. Comment, être étrange, comment est-elle en réalité ? Comment cette innocence s'empare de chaque pore. Comment, ce caractère angélique. Qui est-elle ? Non, n'essayez pas de détacher votre regard. Elle ne voulait que partager son dernier trésor. Ne fuyez pas. Ne fuyez pas encore. Ne la laissez pas... alors qu'elle absorbe votre sang, votre vitalité, elle vous absorbe, elle vous a absorbé dans son esprit. Un sourire mignon, ô, daigneriez-vous la laisser en proie à la solitude? Pauvre jeune fille perdue dans les ténèbres de la nuit, cette nuit au sourire sarcastique, cette lune sournoise, ces étoiles narquoises. Elle sombre dans ce gouffre multicolore, encore, AIE. La chute est brutale lorsqu'on retourne à la réalité. Arrachez lui son imagination avant que son coeur ne se consume.

Harmony des temps modernes, la troisième. Energétique, volontaire, malicieuse. Sur une balançoire, riant de bon coeur. Ses yeux sont pétillants, elle se laisse aller. Intrépide, encore plus têtue que la reine de coeur, elle règne sur les oiseaux de papier et de craie, sur les herbes roses, sur le soleil bleu, le ciel vert. Son monde est un miroir, un vert brisé, une image différente dans chacune des glaces. Elle se laisse emporter et se noie dans un océan de sombre délire, amour. Peignez vos pensées. Crachez vos désirs. Mangez les chagrins. Plaisir - Rire - Plaisir - Rire - Plaisir - Rire - Plaisir - Rire - Plaisir - Rire - FAITH! - Plaisir - Rire - Plaisir - Rire - Es-tu donc encore perdue? Ou es-tu en train de suivre la lumière blanche? - Plaisir - Rire -

Elle déambulait ainsi dans les rues d'Esplumoir. Tous les points de vue diffèrent, mais forcément, le votre doit correspondre à un portrait de ces trois Faith. Qui ne forment qu'une. Et puis, c'est en atteignant la vaste forêt qu'elle se réveilla enfin de son errance. On aurait pu entendre un "terminus, tout le monde descend", mais Faith, elle resta plantée là, touchant de ses doigts congelés l'écorce abîmée d'un vieil arbre. N'était-ce pas une silhouette là ? Ah non, juste une horde d'animaux. Une pyjama party d'animaux, c'était bien la première fois qu'elle voyait cela. Enfin.. oh si. Il y avait bien une silhouette. Faith s'approcha un peu, curieuse. Un sourire s'esquissa sur son visage lorsqu'elle reconnut la personne. Alors, elle recouvrit sa tête de sa cape, comme pour imiter un fantôme. Et commencer à pousser des cris bien étranges.

« Groaar~ groowaaawawawaaar ~ »

Ce qui réveilla en fait les animaux. Qui instinctivement foncèrent sur la forme blanche non identifiée qu'elle formait. Qui l'attaquèrent. Pauvre Faith.

Alix rêvait. Et dans son rêve merveilleux, des pégases ailés de toutes les couleurs dormaient paisiblement sur de petits nuages vaporeux à l'apparence douce et des oiseaux chantaient gaiement au dessus des arbres. Des chats se courraient après et des chiens se disputaient joyeusement une balle ronde et bleue. Des loups se reposaient docilement à l'ombre d'un grand sapin vert et des lapins mordaient à pleines dents dans des carottes gigantesques et parfaitement orangées. Des hamsters courraient sans se fatiguer dans une immense roue rose fluorescente et des souris grignotaient allègrement un énorme morceau de fromage. Des licornes broutaient l'herbe grasse et verte et le soleil resplendissait dans le ciel bleu pur. Une plage de sable blanc prolongeait l'herbe, et aboutissait sur une mer turquoise et scintillante dont les vaguelettes calmes mouillaient les pieds des quelques tortues qui s'approchaient de l'eau, des mouettes posées sur leur carapace. Des dauphins roses nageaient follement, plus loin vers le large, et virevoltaient dans les airs, enchaînant les cabrioles. C'était un décor paradisiaque, et Alix s'émerveillait devant ce paysage magnifique. Elle était pieds-nus, et sa robe propre tombait droit sur ses jambes, sans que le moindre souffle de vent ne la fasse bouger. Ses yeux bleus s'écarquillaient de ravissement, et un sourire tranquille et fasciné flottait sur ses lèvres fines. Elles marchaient entre les différents animaux, caressant les uns, bisoutant les autres. Malgré le manque de vent et le soleil brûlant, la température était douce et clémente.

Puis un des loups se leva et vint vers elle, et la fillette reconnut Black Star, son nouveau familier. Ses yeux noirs scintillaient de plaisir, et les étoiles ressortaient encore plus. Il poussait de petits jappements joyeux et sautillait autour de sa nouvelle maîtresse, l'invitant à jouer avec lui. Riant d'un bonheur enfantin et insouciant, Alix courut derrière lui, le poussant à aller encore plus vite. Ses pieds ne touchaient presque plus le sol, et sa vitesse était telle que son environnement en devenait flou. Elle se sentait presque décoller, légère et innocente. Black Star fendait l'air à ses côtés, et ses aboiements euphoriques résonnaient dans l'étrange calme de la scène. Quand ils s'arrêtèrent, la petite anglaise n'était même pas essoufflée et elle souriait toujours autant, ravie. Une balle bleue roula jusqu'à elle et s'arrêta à ses pieds, et elle se baissa pour la ramasser. Elle la fit tourner entre ses doigts, et après un petit moment d'hésitation, elle l'envoya le plus loin qu'elle pouvait. Réagissant au quart de tour, Black Star fila derrière, poursuivit par une dizaine de loups et de chiens. Plus rapide qu'eux, le Wolf attrapa le jouet dans sa gueule et revint en vitesse près d'Alix. Cette dernière riait aux éclats, et reprenant la balle dans la main, elle recommença son petit manège.

Après une dizaine de minutes de ce jeu ordinaire, un pégase se leva, et déploya ses immenses ailes blanches et duveteuses. Il s'approcha de la fillette, et d'un signe de tête, il lui fit signe de monter sur son dos. N'en croyant pas ses oreilles, celle ci obéit sans protester, trop heureuse de faire un tour de pégase. Dès qu'il fut assuré qu'elle était bien installé, celui ci s'élança au galop, poursuivit par black Star qui glapissait, et d'une puissante projection des postérieurs aidés de ses ailes, il s'envola. Alix se tenait bien fermement à sa crinière, décontractée malgré l'altitude. C'était pourtant la première fois qu'elle montait à dos de "cheval", et elle était persuadée qu'elle ne tomberait pas, bien trop tenue par sa monture. Et même si c'était le cas, le pégase la rattraperait. Depuis qu'elle était là, elle ne pouvait s'empêcher de rire, et ses rires résonnaient aux oreilles des autres animaux comme la plus belle des chansons. Ils voulaient lui faire plaisir. Le pégase entama sa descente et ...

Un énorme rugissement retentit, réveillant Alix en sursaut. Les Wolfs qui l'entourèrent réagirent instantanément, et attaquèrent la silhouette blanche et fantomatique qui venait d'arriver. La fillette ne put s'empêcher de pousser un hurlement strident quand elle la vit, et elle essaya de reprendre ses esprits. Elle tenait Black Star fermement, et celui ci gigotait pour essayer de se dégager afin de protéger sa maîtresse. Mais cette dernière tint bon, et ordonna aux autres de s'arrêter.

"Stop ! Arrêtez ! C'est une humaine, comme moi ! Elle ne nous veut sûrement pas de mal !"

Malgré son apparente certitude, Alix n'en était pas si sûre. Et puis, si le fantôme venait avec des intentions malfaisantes, elle pourrait toujours ordonner aux animaux de repartir à l'attaque. Le monsieur qui lui avait fait visité l'île quelques jours plus tôt lui avait pourtant dit que tous les animaux qui peuplaient l'île n'étaient pas dangereux ... Les Wolfs revinrent un peu vers elle, gardant leurs yeux braqués que la silhouette. Alix relâcha un peu son étreinte sur Black Star, et s'adressa directement à la nouvelle arrivante :

"Qui êtes vous ? Et puis ... Pourquoi êtes vous dans la forêt ? Et quelle heure est-il ?"

La jeune anglaise ferma précipitamment sa bouche avant de continuer à poser des questions. Sa surprise lui avait fait oublié les règles de politesse. Elle reprit :

"Ho ! Désolée ! Je ne me suis pas présentée. Je m'appelle Alix Diane de Vladinck. Mais vous pouvez m'appeler Alix. J'avoue que ma présence ici peut paraître étrange, mais c'est une longue histoire. "

Alix observa alors du mieux qu'elle pouvait le fantôme, mais l'obscurité ne l'aidait pas, et même s'il faisait jour à l'extérieur de la forêt, les immenses arbres ne laissaient pas passer la lumière.

Tout de même, la scène était censée être mignonne. Elle n'était pas censée effrayer. Loin de là son but. Faith, de ses gestes gracieux, effectuait une espèce de danse aux mouvements aériens. Quelques gestes amples, au gré du vent, de ces légères brises, quelques vagues vers la gauche, et quelques vagues vers la droite. Et de sa petite voix d'enfant, toute innocente, toute gentille, elle continuait de pousser des espèces de "groaar". Des cris bien trop aigus. Et très peu supportables. On penserait que c'était le fantôme d'une sorcière morte en goûtant une de ses potions ratées, venu hanter les malheureux élèves qui osaient pénétrer dans ce lieu saint. Et puis, de temps en temps, survenaient quelques toux. Et encore des "groaaar".

Non, ce n'était pas si mignon que cela en fait.

Voyant que cela ne semblait avoir grand effet, Faith arrêta alors la plaisanterie. Décision prise un tard. Voilà que les Wolfs s'élançaient vers la cible. Et, comme dans une scène d'un film épique, au ralenti, on les voyait, bondir, assaillir l'ennemi. Mordre à plein crocs dans cette bonne chair humaine. Hurler la victoire sous une pleine lune. Sauter sur la victime. La traîner par terre.
La vérité, c'était que la scène était bien moins épique lorsque l'on sait la taille de ces animaux. A vrai dire, et heureusement, leurs morsures n'étaient pas si douloureuses que cela, bien que laissant des traces bien rouges. Mais elles étaient assez inoffensives pour ne pas faire saigner la jeune fille. Qui resta morte allongée par terre, sanglotant. Les larmes perlaient sur son visage. Espérait-elle, tout comme Alice, inonder la forêt de sa peine ? Elle s'en voulait énormément, quelle idée, non seulement d'effrayer sa petite soeur, mais également ces animaux, qu'elle chérissait tant. Déjà qu'elle avait énormément du mal à gagner leur confiance, il ne manquait plus que cela. Alors elle restait inerte au sol, et chagrinait, seule. Au monde.
Ainsi, dans sa solitude singulière, elle écoutait le discours prononcé par Alix. Ah, quelle sagesse, quel courage ! N'avait-elle pas peur de tomber sur un vieux pervers ? La Ravenswood était très admirative. Même si en réalité, elle aurait agi de la sorte, elle aussi. Oui, trop peu de méfiance envers les gens. A croire qu'au lieu de voir le visage des personnes, elle voit des visages de Bisounours.

Et puis, dans un geste très mécanique, elle se leva, d'un seul coup. Elle enleva très lentement, très lentement la cape, et la laissa glisser, pour enfin révéler son visage. En fait, pas encore. Car sa longue chevelure cachait ses traits. La scène aurait très bien pu être effrayante encore une fois... pour peu qu'elle ait les cheveux noirs, elle aurait pu passer pour une espèce de Sadako. Mais là... Soupirant alors, elle remit les mèches à leur place, et, comme si de rien n'était, un sourire banane se dessina sur son visage, qui se pencha alors légèrement sur la gauche - espèce de tic censé être mignon.

« Aliiiix ! C'est moi ! »

Ah, tant d'innocence. Elle semblait tellement heureuse, rien qu'à l'idée de prononcer ce prénom. En réalité, elle l'était. Là était un des avantages d'être cruche, un rien suffisait pour la rendre heureux. Rire juvénile. Elle se leva et se dépoussiéra, sa robe était un peu abîmée par l'attaque précédente, mais rien de bien grave. L'adolescente remit alors correctement sa cape, et s'approcha de sa protégée, le regard fixé vers les Wolfs, d'un oeil inquiet. Les animaux étaient encore très méfiants, et cela se voyait bien.

« Je me suis faite attaquée... Hahaha ! » (Comme si on n'avait pas pu le voir.) « Pas très gentil tout ça. Mais au fait. Que fais-tu là, Alix ? »

L'air pensive, Faith fixa le ciel. Le vent caressait légèrement les feuilles des arbres de la forêt, tandis qu'on entendait au loin des oiseaux hululer. L'atmosphère était tellement calme et apaisante... Digne d'une scène romantique.

« Tu es venue attraper des Wolfs pour la boutique ? hehe, cela fait un bout de temps que je n'ai pas réussi à ramener des animaux... »

Se baissant vers l'un des mini-loups, elle approcha sa main tremblante pour essayer d'en caresser un. Pour se faire mordre une nouvelle fois. Quelle maladresse extraordinaire. Sa seule réaction fut d'adresser encore un sourire à Alix. C'est ce qui faisait son charme après tout.


[ J'ai pas trop d'inspiration, désolée ;w; J'ai fait un RP "plain", je sais plus comment on dit en français. \o\ Bref j'arrive pas trop à écrire en ce moment, mais comme j'ai du temps et que je voulais pas trop te faire attendre, wala ~ ]

[ Désolée, c'est pas terrible. Moi aussi j'ai eu du mal et toussa xD ]

Alix ne comprenait plus vraiment ce qu'il était en train de se passer. Quelques minutes auparavant, elle était encore en train de dormir tranquillement dans les bois, rêvant d'un décor merveilleux, chevauchant un magnifique pégase ailé, tout en serrant affectueusement Black Star dans ses bras. Et là, elle venait tout simplement d'être réveillée par une silhouette blanche et fantomatique qui poussait de grands hurlements stridents et carrément insupportables. En outre, elle faisait aussi affreusement peur, et la fillette ne retenait ses cris de frayeur que de justesse. Un peu plus et elle serait partie en courant, criant au diable. Sauf que là, elle n'avait pas vraiment eu le temps, vu que les Wolfs s'étaient littéralement jetés sur la silhouette, en poussant des aboiements féroces en totale contradiction avec leur caractère naturel plutôt calme et gentil. Elle poussa un cri d'arrêt, mais ils étaient déjà sur l'intruse, lui mordant les jambes, les mains ou toute autre partie indiscernable dans l'ombre. Bon, fallait avouer que vu le gabarit des Wolfs, ça devait pas faire bien mal … Mais c'était une question de principe. D'un ordre sec, Alix les rappela vers elle et ils obéirent en baissant la tête, manifestement mécontent de devoir lâcher un aussi bon bout de viande fraîche. La petite anglaise ne cacha pas son étonnement quand elle vit qu'ils l'écoutaient. Avait-elle un autre don caché ?

Elle remarqua alors que le fantôme était allongé, et elle crut entendre de légers sanglots. Quoi ?! Les spectres pouvaient pleurer ? Prenant son courage à deux mains, Alix prit la parole. Elle demanda d'abord qui était la personne qui venait d'arriver, en demandant pourquoi elle était ici et qu'elle heure il était au dehors. Sûrement qu'il devait faire nuit, avec tout le temps qu'elle avait passé dans la forêt. En même temps, sous le couvert des arbres, on ne pouvait pas vraiment voir le temps passer … Elle se rappela alors qu'elle ne s'était pas présentée, ce qu'elle se hâta obligeamment de faire. Et si jamais la personne était dangereuse, les Wolfs repartiraient à l'attaque. En même temps, un individu dangereux ne restaient pas allongé sur le sol pour pleurer … Mais sait-on jamais.

La silhouette blanche se releva alors, dans un geste un peu saccadé, semblable à ceux des robots. Pour peu qu'on ait déjà vu un robot bouger … La fillette la regarda enlever sa cape, pour laisser apparaître un visage caché par des mèches de cheveux blonds. Enfin, elle ne savait pas s'ils étaient vraiment blonds, mais auraient-ils été noirs qu'elle n'aurait rien vu. L'individu, qui ressemblait à vrai dire fortement à une femme, se pencha un peu sur la droite d'Alix, et s'écria :

« Aliiiix ! C'est moi ! »

"Faith ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?!"

Bon, elle posait la question, mais elle était assez mal placée pour parler. A son âge, elle aurait dû sagement être en train de dormir dans le dortoir d'Avenue of The Roses. Mais non. Elle venait de rencontrer sa "grande sœur" dans les bois, en plein milieu de ce qui semblait être la nuit. S'adressant à sa meute personnelle de Wolfs, elle leur ordonna :

"Ne vous inquiétez pas les amis. C'est ma grande sœur. Elle est très gentille ! Elle ne vous fera pas de mal.

Elle resserra juste un peu son étreinte sur Black Star, qui commençait à s'agiter. Elle déposa un léger bisou sur son front, et reporta de nouveau son attention sur Faith qui était en train de dépoussiérer sa robe, couverte de terre et de débris en tout genre. Elle remit ensuite sa cape, et regarda les animaux qui, malgré l'ordre d'Alix, restaient méfiants envers la nouvelle arrivée. Ils n'avaient sans doute pas supporté de se voir réveiller ainsi. Et la fillette non plus d'ailleurs, mais elle le garda pour elle. Car malgré tout, elle était quand même super heureuse de voir sa sœur adorée.

« Je me suis faite attaquée... Hahaha ! Pas très gentil tout ça. Mais au fait. Que fais-tu là, Alix ? Tu es venue attraper des Wolfs pour la boutique ? hehe, cela fait un bout de temps que je n'ai pas réussi à ramener des animaux... »

"Et bien … Tout à l'heure, en début d'après-midi, je suis allée sur la plage où j'ai rencontré une certaine Akisa. Et puis, après notre séparation, j'ai remarqué que le soleil n'allait pas se coucher avant un bon moment. Alors je suis allée me promener dans la forêt. Mais y avait un Lunatic trop mignon. Alors je l'ai suivi. Mais je me suis perdue. Et pis, Black Star et ses amis sont venus me sauver, et je leur ai demandé de me raccompagner sur le chemin principal. Et ils m'ont amené là, dans cette clairière. Mais j'étais très fatiguée, donc j'avais pas envie de rentrer au dortoir tout de suite. Et je me suis endormie. Et la suite, tu la connais."

Bon, c'était pas très concis comme récit, mais au moins, ça rapportait tous les faits. Et puis, peut-être que Faith en savait plus sur le pourquoi du comment, pour les animaux. Peut-être qu'elle avait vraiment un don pour qu'ils l'écoutent comme ça …! Elle lâcha Black Star qui s'écarta afin de s'ébrouer. Il courut un peu, fatigué d'avoir du rester longtemps dans la même position. Même s'ils n'avaient pas le tempérament des loups "terriens", les Wolfs avaient un besoin constant de bouger dans tous les sens, surtout pour jouer. Faith s'avança alors, et essaya de caresser le premier Wolf qui passait par là. Celui-ci réagit violemment et la mordit. Certes, ce n'était pas fort, mais c'était assez surprenant. La jeune femme n'eut pour réaction qu'un immense sourire qu'elle adressa à Alix. Cette dernière sourit à son tour, amusée.

"Si tu veux, on pourra ramener deux ou trois Lunatics pour la boutique. Et des petits Porings aussi. Mais les Wolfs, je ne sais pas s'ils accepteront. Qu'en penses-tu ? Kanou sera content !"

Troisième essai. Action. Tandis qu'elle attendait toujours la réponse de la part de la petite fille, elle fixa le petit louveteau droit dans ses yeux pétillant, pétillant peut-être d'envie d'attraper la mignonne bête. Puis, un large sourire, suivi d'un espèce de "huhuhu" - un espèce de rire (enfin, encore si l'on pouvait appeler cela un rire), c'était peut-être plutôt entre un gloussement et un couinement. Soit. Puis, d'un coup, l'adolescente sortit ses mains pour les tendre vers l'animal, béat.

(...)

Aucun effet, l'animal se contenta de faire dos à Faith.
Puis, imaginez un peu la scène. Imaginez donc le visage de l'adolescente, les gros yeux, les sourires, les couinements.. Ne vous fait-elle pas penser à une meurtrière lâchée en pleine nature ? Une pédophile, ou tout du moins, une jeune fille aux mauvaises intentions, l'esprit traversé d'idées pas très nettes. Comme si des bulles éclataient - une révélation, une envie soudaine de violer l'innocente de laisser échapper un rire démoniaque.

C'est le drame. Des larmes perlent dans les yeux océan de la Ravenswood. Ce n'est plus un bleu océan d'ailleurs, c'est une tempête. Ne comprenant pas ce rejet, elle était à la fois frustrée d'avoir encore raté son entreprise (il faudrait imaginer un "FAIL" en lettres capitales sur son front), triste de son incapacité, déçue des peu de liens qu'elle réussit à tisser avec les bêtes. Quel malheur. Oui, quel malheur. Elle serait prête à se rouler par terre et à hurler telle une enfant insatisfaite; encore heureux qu'il subsiste quelques traces de fierté dans son coeur meurtri, et qu'elle n'oserait agir de la sorte, surtout lorsqu'elle sait la présence d'Alix.

Posant ses deux mains sur ses yeux afin de sécher ses larmes, elle se releva, serrant les poings, et marmonnant un "Yossssh!" afin de se redonner du courage. Non, elle ne pouvait être vaincue pour si peu. Elle se frotta un peu le visage, et son visage s'illumina du plus beau sourire.. pour se transformer soudainement en une espèce de moue. Comment ça ? Elle s'était endormie ? Paf, comme ça, en plein milieu de la forêt ? Mais non, ce n'était pas acceptable. C'était même abominable ! Quelle horreur. C'était trop dangereux pour une petite fille de veiller dans les bois. Et si.. et si un grand méchant loup sortait ? Ah non, y'avait des petits loups de toute façon.. Et bien, et si un grand méchant ours sortait les manger tous ? Arracher leur chaire, leurs cheveux, défigurer leur visage, se faire un festin de toute cette viande fraiche ! Non. Impossible.

« Alix, mais enfin ! » dit-elle, énervée. En réalité, elle n'aspirait pas vraiment à la crainte. C'était comme si on avait posé un masque avec un méchant smiley dessus. Faith, c'est une grande carrière de comique tout au bout du chemin. « Tu... Imagine... Enfin... Oh non, quel malheur aurait pu t'arriver ! Si jamais.. si jamais.. bouhouhouh ! » [Là, elle venait de fondre en larmes. Pour de vrai. A défaut d'être comique, elle pourrait très bien être actrice...]

Voilà donc la situation : Faith venait de fondre en larmes. Réellement. Et elle tirait un mouchoir de sa poche pour se moucher d'une manière peu élégante. Et elle reniflait. Et elle pleurait encore. Et soudain... ses pleurs s'arrêtèrent. Elle venait de ressentir quelque chose vif et perçant traverser son coeur. Tout son corps trembla, et elle sentit une très désagréable sensation jusqu'à même ses ongles. Son coeur battait la chamade - le monde ne tournait plus autour d'elle, ou peut-être qu'au contraire, il tournait trop, car elle avait un très mauvais pressentiment. Qu'était-ce donc ? Que venait-il de se passer en elle ?
Elle jeta un regard rapide sur Alix tandis que quelques dernières larmes continuaient de couler sur son visage. Avait-elle remarqué quelque chose ? Elle espérait que non. La jeune fille n'aurait pas su expliquer pourquoi, mais elle savait qu'il n'était pas bon de parler de ce qu'il venait de se passer. Faith essuya rapidement son visage, feignant de s'être calmée, et tendit une main vers sa camarade.

« Alix ! Tu dois me promettre de ne plus jamais te promener seule ainsi. C'est dangereux dehors quand on est tout seul. » [Elle se retourna alors, suspicieuse de la présence d'une autre personne... d'un autre quelque chose. Elle avait l'impression d'être épiée.] « On devrait rentrer, tu penses pas ? »

Alix observait attentivement chaque tentative lamentable de Faith pour caresser un des Wolfs, qui ne se laissait résolument pas approcher. Mais la jeune femme semblait s'en moquer éperdument et recommençait sans se soucier des morsures peu dangereuses. La fillette savait parfaitement que sa grande soeur n'y arriverait jamais comme ça. N'y arriverait jamais, en fait. Mais elle ne voulait pas lui faire de peine. Elle pouvait l'aider, mais Faith n'en ressortirait aucune fierté. Et l'anglaise voulait que sa soeur soit heureuse et fière. Alors elle la laissa faire, tant bien que mal. Surtout mal.

Le Wolf, se lassant de se petit jeu absurde et complètement inutile, tourna le dos à la jeune femme et se dirigea de nouveau vers sa meute, près d'Alix. Cette dernière lui gratta juste derrière les oreilles, et on aurait presque pu entendre un léger ronronnement. Elle ne savait pas vraiment comment elle faisait pour s'entendre aussi bien avec les animaux, ni pourquoi ils l'écoutaient aussi sagement, mais les faits étaient là. Réels. A vrai dire, on pouvait même se demander pourquoi Faith gérait le Qpet Shop avec son incapacité totale à se faire comprendre des bêtes.

Alix lui raconta alors comment elle était arrivée ici, guidée par Black Star et ses amis. Le sourire éclatant de Faith disparut aussi vite qu'il était arrivé, et fut remplacé par une moue désapprobatrice. Alix grimaça, consciente que sa grande soeur n'était pas contente. Pas contente du tout, même. Elle allait protester, ouvrir la bouche, la convaincre qu'elle ne risquait rien du tout accompagnée de ses nouveaux amis, mais elle n'en eut pas le temps. La réprimande commença. Le début de la fin.

« Alix, mais enfin ! Tu... Imagine... Enfin... Oh non, quel malheur aurait pu t'arriver ! Si jamais.. si jamais.. bouhouhouh ! »

Elle semblait énervée. Enfin, non. Elle semblait plutôt effondrée devant la stupidité et la témérité trop audacieuse de sa petite soeur. Qui ne voulait pourtant pas décevoir Faith. Mais au fond, Alix ne comprenait pas pourquoi la jeune femme pleurait. Parce que ... Elle était censée être en colère, non ? Ou du moins, elle aurait du faire semblant. Pour qu'Alix comprenne la leçon.

"Mais Faith ! Pleure pas ! Naaaan ! "

Un peu plus, et l'anglaise allait se mettre à sangloter également. Ravalant ses larmes fièrement, pour ne pas enfoncer encore plus Faith, elle s'approcha d'elle et l'enserra dans ses bras. La différence de taille était assez spectaculaire, et même si la fillette se mettait sur la pointe des pieds, elle atteignait à grand peine les épaules de l'adolescente. Ce qui n'était pas super pratique pour un câlin, il faut en convenir. Puis les sanglots cessèrent d'un coup, comme par magie. Comme si quelqu'un coupait le son d'une musique, brutalement.

Et ce fut le silence.

Un silence pesant, angoissant. Même les feuilles des arbres avaient arrêté de bruisser sous la brise. Le vent s'était calmé. Et dans ses bras, Alix sentit le corps de sa soeur trembler, comme un shaker que l'on secoue violemment. Surprise, elle s'écarta et observa Faith, les sourcils froncés. Elle était inquiète aussi, perturbée.

Et le bruit revint.

Ce fut comme si rien ne s'était passé. Comme si le moment avait été hors du temps, irréel. Magique. Un rêve qui prenait vie. Et pour ajouter à son doute, Faith reprit, d'une voix sereine. Il ne s'était rien passé, n'est-ce pas ?

« Alix ! Tu dois me promettre de ne plus jamais te promener seule ainsi. C'est dangereux dehors quand on est tout seul. On devrait rentrer, tu penses pas ? »

Avec une petite moue contrite, Alix hocha la tête sans pour autant penser qu'elle arriverait à tenir. Elle n'allait pas pouvoir rester cloîtrée dans le dortoir sans rien faire, et Black Star avait besoin de bouger souvent. Elle désobéirait, mais elle ne pouvait faire autrement. Elle s'ennuyait bien trop, toute seule.

"Moui, rentrons."

Elle appela Black Star, et lui fit signe de venir avec elle. Le reste de la meute, comprenant qu'il ne pouvait pas venir, jappa un peu en guise d'au revoir et s'en alla au galop. Les porings suivirent, ainsi que les Lunatics, trop pressés de rentrer dans leurs tanières. Alix s'arrêta soudain, et se tourna vers sa soeur. Ce n'était pas vraiment le genre à s'occuper de ce qui ne la regardait pas, mais là ... Elle était bien trop curieuse.

"C'était quoi ce silence ? Et pourquoi t'as tremblé ? Dis moi !"

Petite fille, la curiosité est un vilain défaut.

-Thump thump- Faith sentait son cœur battre fort, très fort. Comme lorsque l'on s'approche de quelqu'un que l'on redoute. Comme lorsqu'il ne reste plus qu'un souhait : préférer faire marche arrière plutôt que d'avancer, lorsque le désespoir est tel que plus rien n'importe, et le cœur bat fort, car c'est tout ce qu'il lui reste à faire. Songeuse, les deux amies prirent un sentier aux apparences peu sûres, sentier qui conduisait vers la ville. Cette marche silencieuse, cette atmosphère inconfortable, ce silence pesant... et puis, le vent qui sifflait sur les feuilles, les craquements des branches mortes, la nuit incertaine. Le cœur qui battait fort. La scène était vraiment difficile à vivre, Faith n'osait trop adresser un mot à Alix, ne sachant pas que dire après ce qui venait de se passer. Elle voulait tellement sourire et lui parler de tout et n'importe quoi, comme elle le faisait à son habitude : à quel point il faisait moche. Oui, il faisait très moche, autant dehors que dans son cœur, sur son visage. Pas un sourire. Juste un regard trouble, perdu. Une jeune fille abattue.

"C'était quoi ce silence ? Et pourquoi t'as tremblé ? Dis moi !"

Bien sûr, qui n'aurait pas remarqué ? Faith pensait tranquillement rentrer sans rien mentionner à Alix. Elle le pensait vraiment. Mais personne n'aurait pu ne rien percevoir de son état anormal, on aurait juste pu tout ignorer. Tel n'était pas le choix d'Alix. Alors, comme frappée par une terrible nouvelle, l'adolescente s'arrêta brusquement, et fixa le sol, comme par peur de croiser le regard de sa camarade. Elle leva un peu sa tête pour tenter d'attraper une image de la réaction de la petite fille, mais avant de pouvoir voir son visage, son regard se déposa sur les alentours.
Non, elle savait que ce qui venait de se passer n'était pas normal, pas normal du tout. Bien sûr, rien n'était normal sur cette île de toute manière. Pas d'adultes, des enfants qui travaillent, des pouvoirs magiques... Mais cette sensation perçante, cette chose qui avait comme pénétré son corps... Non, pas normal du tout.

« A.. Alix... Je.. »

La voix tremblante, on pouvait tout juste l'entendre. Et finalement, elle se mit à hauteur de sa petite sœur, et la regarda droit dans ses yeux. Les siens étaient humides, mais elle ne voulait pas encore pleurer, elle avait versé assez de larmes pour la journée (à croire qu'elle avait un quota à remplir!). Faith soupira légèrement, et reprit la parole, toujours d'un ton incertain.

« Tu dois promettre de ne rien répéter à personne ! Et promets moi de ne plus jamais revenir dans cette forêt... Je suis sûre qu'il y a des choses bizarres là bas. Tout à l'heure, je... » Petite pause. La Ravenswood avait l'impression de délivrer un secret important, de rompre un lien entre elle et... elle ? Elle ne savait pas trop, mais elle se sentait prise d'une crainte énorme. Comme si une faucheuse se cachait derrière elle, prête à faucher son âme si elle avouait quoi que ce soit. C'était une angoisse impossible. Et ce cœur qui battait fort. « Je sais pas trop.. Je ne saurais pas te dire. Mais c'était comme si... comme si... » Des larmes commencèrent à couler sur ses joues, et ses mains se mirent à trembler. Totalement incontrôlable. « Je ne sais pas... Je ne suis pas folle ! Mais.. je crois que quelque chose m'a traversée.. »

La peur... C'était la peur d'être en train de devenir complètement folle. La peur de ce qui se trouvait dans cette forêt. La peur qu'il arrive quoi que ce soit à la petite Alix. La peur de sa réaction. Prise de remords, Faith se mordit les lèvres. Elle n'aurait pas du lui dire. Elle se savait irresponsable : pourquoi faire part de cela à Alix ? Elle ne voulait pourtant pas l'inquiéter, et elle savait que ce qu'elle venait de dire n'était pas ce qu'il y avait de plus rassurant. Elle n'aurait rien du dire... Mais les paroles étaient sorties. Parfois, il est peut-être mieux de juste se taire, mais advienne que pourra.

Dans la forêt, il n'y avait que les chants des oiseaux qui brisaient le silence, et quelques bruissements de feuilles balancée par le vent ou bousculées par les petits animaux qui s'enfuyaient en courant devant le passage des deux jeunes filles, silencieuses et pensives. Alix était persuadée que sa grande sœur lui cachait quelque chose, mais elle n'avait pas envie de la forcer à parler. Peut-être était-ce un secret inavouable, et que seule Faith pouvait le connaître. A moins que ce ne soit son âge qui était en cause. Mais la jeune femme semblait si triste, si sombre, si abattue. Elle avait tendance à toujours parler, raconter n'importe quoi et à rire de ses bêtises, or son absence de parole était inquiétante, oppressante. Alix voulait entendre les gloussements heureux de Faith, voir ses mimiques rigolotes et s'esclaffer avec elle. Elle voulait que Black Star accepte de se faire caresser par sa grande sœur, que la meute entière l'accueille comme elle l'avait accueille, elle. Elle voulait tout simplement que la jeune femme soit heureuse, comme elle l'était toujours. Ce fut sa mine si noire qui obligea la petite anglaise à demander ce qu'il s'était passé. Elle ne voulait aucunement rajouter une couche au trouble de sa sœur, mais elle se sentait obligée de savoir pour pouvoir la réconforter.

La question sembla perturber l'adolescente qui s'arrêta brutalement en fixant le sol, soucieuse d'esquiver le regard d'Alix. Cette dernière manqua de peu de buter contre le dos de sa camarade, évitant la chute sur le sol dur et terreux, sale. Une moue inquiète s'afficha sur le visage de la fillette, et elle contourna la jolie demoiselle pour lui faire face. Faith releva la tête, ses yeux se posant sur les arbres environnants. Peut-être croyait-elle qu'Alix n'avait rien remarqué et que la demande l'avait profondément choquée. Il fallait pourtant avouer que ça n'avait pas été bien difficile, de deviner que quelque chose n'allait pas. Beaucoup d'éléments l'avaient indiqué : le silence si lourd et écrasant, le temps comme figé et suspendu, le violent tremblement qui avait parcouru tout le corps de la jeune femme … Tant de choses qui avaient montré qu'un évènement anormal se produisait. Un évènement hors du commun, irréel, voire complètement chimérique. La forêt semblait d'ailleurs regrouper tant de surréalisme que cela en devenait terrifiant. C'était comme se dire que les fantômes existaient …

« A.. Alix... Je.. »

La petite anglaise leva la tête vers sa sœur, le regard interrogateur appuyé par une lueur d'inquiétude. Faith semblait réellement bouleversée, jusqu'au plus profond de son être. Sa voix tremblait tellement qu'elle en devait presque inaudible, et Alix tendit l'oreille afin d'entendre ce qu'elle disait. Elle ne perçut cependant que quelques bégaiements indistincts. La surprenant encore, Faith s'agenouilla devant elle pour se mettre à sa hauteur, et planta son regard dans le sien. La fillette le soutint du mieux qu'elle put, gênée, mais consciente qu'elle allait enfin avoir sa réponse. Black Star s'était rapproché, curieux. Après un léger soupir, Faith reprit :

« Tu dois promettre de ne rien répéter à personne ! Et promets moi de ne plus jamais revenir dans cette forêt... Je suis sûre qu'il y a des choses bizarres là bas. Tout à l'heure, je... Je sais pas trop.. Je ne saurais pas te dire. Mais c'était comme si... comme si... Je ne sais pas... Je ne suis pas folle ! Mais... je crois que quelque chose m'a traversée… »

A présent, la jeune femme pleurait et tremblait sans pouvoir s'arrêter, anéantie. Alix ne savait pas quoi faire après cette révélation, mais elle sentait parfaitement les ondes de peur qui émanait du corps de sa grande sœur, et elle se résolut à l'écouter. Black Star ne serait pas content de ne pouvoir retourner à la forêt tant que sa nouvelle compagne ne serait pas accompagnée, mais il s'habituerait. Il n'avait de toute façon guère le choix, s'il tenait à rester avec la fillette. Les lèvres de cette dernière se pincèrent, et ses sourcils se froncèrent. Elle semblait concentrée, calme, comme si la nouvelle que quelque chose ait traversé sa sœur ne lui faisait rien. Elle demanda cependant :

"Mais euh … à part ça, tu n'as rien, n'est-ce pas ? Tu n'as pas mal ?"

A en voir la jeune femme, il semblait apparemment que non, mais mieux valait demander. Au fond, Alix avait peur mais elle s'efforçait de toute son âme de ne rien laisser paraître. Elle le faisait pour Faith, mais aussi pour elle. Elle ne voulait pas que l'adolescente de sente responsable d'un quelconque malaise que pourrait avoir l'anglaise, lui donnant également l'idée de la préserver à cause de son jeune âge, et donc ne plus rien lui dire. Et Alix voulait que Faith continue à se confier à elle, la réciproque étant aussi d'actualité. Elle était reconnaissante envers la jeune femme qui lui avait fait part de ses doutes, et même si ceux-ci l'emplissaient d'une terreur absolue, profonde, voire carrément viscérale, elle ne disait rien. Certains admireraient l'immense courage de la gamine, d'autres s'en moqueraient. Et les fantômes, dans tout ça ?