La neige. Les flocons s’abattaient violemment sur l’île grise d’Esplumoir. Grise, oui ; Flora avait fui son quartier. Loin. Elle devait partir loin. La jeune fille était habillée avec une grosse écharpe, un bonnet, des gants, un pantalon de velours et au moins six couches de pulls, vestes et manteaux. Malgré tout, elle avait froid. Elle pouvait rentrer chez elle mais elle ne le voulait pas. Elle voulait s’évader. L’île était sombre et menaçante. La forêt était inquiétante. Flora s’était perdue dans cette immensité. Les arbres, battus par les vents et la neige, regroupaient leurs branches en cloches qui ne laissaient passer aucune lumière. Même si leurs feuilles étaient tombées ; la neige faisait infiniment grossir les branches. Il ne restait que les aiguilles des fiers conifères qui regardaient de haut leurs voisins mis au dépourvus. Magie de l’hiver… L’obscurité régnait. La forêt était blanche et boueuse ; à chaque pas on s’enfonçait de plus en plus. Les tons étaient tellement sales que la demoiselle renonçât à vouloir les escalader. Les rochers étaient aussi glissants que la glace. En même temps, tout était gelé. Même la mer. Mais il fallait être fou pour faire du patin sur la mer gelée ! Autant aller se faire passer à tabac à Chocolate Town, dans l’espoir de pouvoir entrer dans la patinoire.

La mousse verte qui grimpait sur les roches et les arbres était immaculée par les étoiles de neiges fraiches. Les champignons tentaient avec peine de briser la glace. On s’agrippait aux ronces. Flora tombait. Souvent. Elle se redressait, et paf ! c’est reparti pour un tour, comme qui dirait. Ses cheveux blonds étaient parés de flocons. La demoiselle chercha une lumière. Celle qui la sortira de l’enfer. Le chemin devenait une pente ; impossible de marcher. La pauvre fille dégringola la piste ; de la même façon que les skieurs olympiques qui s’écoule juste devant la ligne d’arrivée. Elle était trempée jusqu’aux os. Il lui fallait un endroit où s’abriter. De toute façon, quelle sottise de sortir par un temps pareil ! La demoiselle doit être folle.

Un perce-neige était là. Juste au bout du bout de la pente. La jeune fille le regarda pleine d’une étrange nostalgie, longtemps. Cette petite plante, étant à la base une graine, avait du déployer tant d’effort pour sortir… Si un perce-neige peut être si fort, une Flora aussi ? C’est dans l’ordre des choses.

Le pire reste à venir. Un brouillard opaque s’était invité. Il ne s’était gêné ; la demoiselle ne voyait plus rien. Elle sorti une lampe de poche de son sac lapin ; elle avait prévu un minimum d’équipement, elle n’était pas si bête que ça. C’est ainsi qu’elle put distinguer une grotte. Lointaine. La jeune fille avança avec la plus grande précaution possible. Elle sentait ses orteils devenir des glaçons. Elle avait mal, elle pleurait légèrement. C’était de sa faute. Elle aurait du rester tranquille, au chaud, dans sa maisonnette. Heureusement que les larmes sont salées, sinon, elles gèleraient ! La demoiselle distingua une cascade. L’eau s’était gelée et la rivière devenait un toboggan de glace. C’était beau.

Flora entendit un bruit sourd. Une énorme stalactite de glace était juste au-dessus de son nez, et il craquait. La jeune fille resta là, comme une ignorante, à la regarder bêtement. Il tomba ; fendit l’air avant de s’écraser lourdement sur la fillette. La pauvre, dieu qu’elle avait mal à la tête ! Ses membres se cristallisèrent.

La grotte ! Un peu plus et la fillette l’oubliait. Elle fonça comme une flèche pour s’abriter dans se trou, que l’érosion avait creusé dans la montagne. La jeune fille alla plus loin, et se cala dans une partie où la neige de la tempête ne l’atteindrait pas. Flora étendit une couverture au sol. Elle sortit un réchaud de son sac et elle se mit à se préparer une tisane au tilleul et au romarin. Elle s’emmitoufla dans la couverture et se dit qu’elle était encore plus sotte que la guerre ravageant l’île. Seul Hope District restait calme. La jeune fille pensait que c’était le quartier neutre la clef qui sortira le monde de la misère. Seul endroit tranquille ; la forêt, écrin de verdure, immaculée par l’hiver devenait écrin de pureté. Froid, froid. Brouillard et neige se mêlaient en enfer. La clé était ici, Flora en était certaine. En partant sur les traces de la forêt d’hiver, elle trouvera la solution.

Le froid, la neige, la guerre, le vent, l'ennuie, la déprime. Ces mots se bousculaient dans la tête d'Artémis depuis déjà quelques jours, de quoi donner un mal de crâne pas possible à notre rouquine hyperactive. Ces derniers temps, mademoiselle en était réduite à rester confiner chez elle, le moral complètement à plat. Sortir dehors par ce froid de canard la rebutait et maintenant qu'explorer les autres quartiers était devenu dangereux, elle occupait ses journées en gribouillant sur les murs de sa chambre et en mangeant le mobilier, si c'est pas passionnant, ça ! L'autre jour, exceptionnellement motivée, elle avait tenté une petite virée au Sugar Drop, mais – ne me demandez pas comment – la pauvre chose n'avait pas fait la moitié du trajet qu'elle était déjà ensevelie sous une masse de flocons blancs enragés. Si un passant n'avait pas aperçut le pompon d'une énormité ridicule qui ornait le bonnet de laine de la gamine sortir vaillamment de la neige, Candy serait sans doute morte frigorifiée, au grand bonheur du monde entier. Mais le destin en décida autrement, et Artémis fut ramenée saine et sauve à la maison, définitivement grippée, certes, mais tout de même vivante. Elle avait passé les jours suivants emmitouflée dans ses couvertures, à tousser comme une déchaînée, les yeux vitreux et le nez plein de morve. Tranquillement, la gamine, tel un cafard coriace, avait tranquillement reprit du poil de la bête et était maintenant fin prête à prendre sa revanche contre Dame Nature. C'est pourquoi ce matin-là, son profond désir d'aventure l'emportant sur son dégoût envers le froid et l'humidité, Candy commença son cheminement vers Hope District.

Vêtue comme un esquimaux en pleine tempête hivernale, la gamina trottina maladroitement vers l'unique quartier neutre d'Esplumoir, bien décidée à s'amuser un peu. Après plusieurs dizaines de débâcles digne d'une professionnelle, Candy atteint enfin son objectif. Hope District s’étendait devant elle, couvert de neiges et de brouillard. La fillette se permit quelques minutes de repos pour savourer sa victoire, puis reprit la route d'un bon pas en se dirigeant vers la forêt. Une expédition en forêt, quoi de plus amusant en ce beau jour de tempête ? Avec un peu de chance, elle trouverait un endroit à l'abri du vent pour manger quelques branches de sapin bien juteuse avant de reprendre la route vers Chocolate Town.

Elle zigzaguait entre les arbres depuis quelques temps déjà lorsqu'elle remarqua des traces de pas encore fraîches dans la neige. Candy, toujours aussi raisonnable, passa aussitôt en mode Sherlock Bond. Il était de la plus haute importance qu'elle découvre à qui appartenait ces empreintes. C'est pourquoi, avec patience, mademoiselle commença sa lente ascension vers... Vers où justement ? La gamine n'en avait aucune idée, mais ne s'en inquiéta pas davantage, tout ce qui importait maintenant, c'était de suivre la piste à la manière d'un espion-ninja du Tibet ! Décidément, la curiosité d'Artémis frôlait parfois la stupidité pure. Elle suivait les traces l'inconnu depuis quelques minutes déjà quand elle tomba à plat ventre sur la surface dure et froide d'un lac glacé. Les larmes aux yeux, la fillette se releva avec difficulté, tout en essayant de garder son équilibre. Chose plutôt laborieuse pour l'empotée qu'était Artémis. Une fois qu'elle fut de nouveau stable sur ses pattes, la gamine aperçut – ô miracle – une grotte, à seulement quelques pas de là. Rassurée et émerveillée par la chance qu'elle avait la rouquine s'approcha avec prudence, les jambes légèrement tremblantes, de son nouvel objectif. Une fois parvenue à son but, Artémis remarqua avec ravissement la présence des pas sur le sol. C'est qu'elle avait l'instinct d'un lynx, cette fillette ! À pas de loup, la fillette s'engouffra dans la grotte, tout émoustiller de parvenir au bout de sa quête à l'inconnu de la forêt d'hiver.

« Coucou... Il y a quelqu'un ? »

Silence. Panique, hystérie, catastrophe, horreur, crainte. « Ça y est, je suis foutuuuuuue. » fut la première chose que pensa Artémis face à ce silence, ma foi plutôt inquiétant. Craintivement, la gamine avança doucement vers le fond de la grotte. Ses dents dansaient la claquette, ses membres étaient frigorifiés et ses orteils n'étaient plus que des glaçons, que pouvait-il lui arriver de pire ? Après quelques pas timides, une forme humaine se dessina dans les profondeurs de la cavité. Une forme plutôt familière, même. Non ? Ce ne serait tout de même pas …

«  FLORAAAAAAAA ! » et la gamine se précipita dans les bras de son amie en sanglotant. « J'ai eu trop méga peur de trouver un monstre super méchant mangeur d'enfant au fond de la grotte ! Qu'est-ce que tu fais là ? Ooooh, c'est quoi ? Dit, c'est bon ? Je peux en avoir une gorgée s'il te plaîîîît Flora d'amouuur ? é___è »

Mesdames et Messieurs, Artémis Candide Blanchet dans toute sa splendeur !

~ Je m'excuse pour le retaaaaard >.< ~