Noélia fatiguait. Cela faisait un bon bout de temps qu'elles marchaient vers le Nid des petiots sans y être encore arrivé. Elle était persuadée qu'elles s'étaient perdues. Pourtant, Ginger habitait dans ce quartier et dans le dortoir ! Jamais la petite fille ne se serait perdue dans son quartier, jamais. Mais il n'en était pas de même pour Ginger, visiblement.
Et malheureusement ce n'était pas elle qui pourrait les y guider. La petite espagnole se repérait jamais dans Feathers Road. Elle n'y était pas allée beaucoup depuis son arrivée et connaissait peu de gens venant de ce quartier. De sa mémoire, il n'y avait qu'Arès, le médecin de l'île, qu'elle connaissait plutôt bien ici.

Aussi, bien qu'elle ne prenne pas part à la guerre des quartiers, elle avait tout de même un peu peur. Elle ne voulait pas paraître pour paranoïaque, mais elle avait l'impression qu'on la regardait d'un air bizarre. Mais, cela n'avait peut-être rien à voir avec le fait qu'elle soit une Summer Chocolate. Peut-être était-ce parce qu'elle traînait avec Ginger, ou parce qu'elle tirait son lapin par une petite ficelle trouvée à la dernière minute et non une laisse, ou parce que sa robe jaune était très flashi... Ou parce qu'elle était Guardian à son âge.
Dans tout son quartier, à chaque fois qu'elle se baladait, elle avait entendu les murmures des gens à son sujet. Elle savait très bien que son nouveau statut allait créer multiple préjugés et ragots : Noélia est une petite fille, Noélia est naïve, Noélia déambule avec un lapin en peluche, Noélia n'a pas une plume très importante, Noélia ne pourra jamais intervenir dans une bagarre et la stoppé, Noélia... Et bien Noélia elle va faire ce qu'elle peut, zut !

Elle avait été ravie qu'on lui propose une tâche si importante à elle. Guardian. Personne ne s'imaginait les responsabilités que cela représentait. Et tout ça reposait sur ses petites épaules et celles des autres Guardians. Elle était consciente qu'elle devait mûrir et ce rapidement. Et elle savait aussi que, si là, maintenant, elle voyait des personnes de quartiers différents se battre, elle aurait beaucoup de mal à gérer la situation. Mais elle voulait s'investir. Elle voulait que la guerre se calme et c'était dans cet unique but qu'elle s'était portée volontaire tant pour le tournoi que pour le poste de Guardian. Les tensions s'amplifiaient, il ne fallait pas que la guerre dégénère et que la paix de l'île en soit encore plus troublée. Alors, malgré son petit mètre quarante, Noélia avait su choisir son camp, à défaut de certains. Elle voulait empêcher le massacre. Elle voulait défendre son île.

Finalement, un joli bâtiment se manifesta devant les deux jeunes filles. Elles devaient être arrivées puisque Ginger se dirigea vers ce qui était sans doute le dortoir de son petit pas tranquille, tandis que Noélia avançait avec des douleurs aux pieds, à cause de ses nouvelles ballerines. Elle aurait sûrement des cloques, ce soir en rentrant....

« A partir de maintenant... Il va falloir parler tout doucement. Pour ne pas effrayer les adorables créatures vivants ici, tu comprends ? Allez, c'est parti. »

Alors, elles gravirent toutes deux un escalier de bois. Il grinçait. Si cela n'avait pas été le bruit de ses propres pas, la petite espagnole aurait pris peur. Elle remarqua le plafond de verre, dans lequel on pouvait admirer le soleil et le ciel d'un bleu teinté d'orange que l'enfant avait toujours trouvé surfait, presque irréel, comme l'île elle-même. Le soleil n'allait sans doute pas tarder à se coucher. Elle allait devoir faire le chemin jusqu'à Chocolate Town sans le jour pour la protéger, ce qui ne la rassurait pas.
Finalement, elles arrivèrent dans la chambre de Ginger. Etrange, comme la petite fille. C'était une chambre de quatre personnes, mais l'enfant ne connaissait aucun des camarades de Ginger, pas même de nom. Là, elles s'approchèrent du lit le plus défait, le coin le plus en désordre, ce qui ne surpris pas tant que ça la petite espagnole. Des dessins étaient accrochés de part à d'autres au-dessus du lit, des schémas très compliqués qui ne représentaient rien de concret ou d'existant, selon l'avis de Noélia. Mais ça non plus, cela ne la surpris pas.
Ginger se mit debout sur son lit, intiment Noélia au silence.

« Attend... Tu vas voir.»

Elle commença alors à fredonner une petite comptine que l'espagnole ne connaissait pas. Elle en comprenait les paroles grâce au système étrange de traduction sur l'île mais, elle n'était même pas certaine qu'elle existe dans son pays.
L'enfant attendait donc, aux aguets. Elle espérait voir une fée, un lutin, quelque chose de magique que l'on ne voyait que dans les contes de fées. Cependant, elle ne voyait rien. Du tout. Elle n'entendait pas le moindre son si ce n'est le chantonnement de Ginger, qui soudain, s'arrêta, un sourire éclatant sur les lèvres.

« Alors... Tu vois ? »
« Mais, que suis-je censée voir ? »

Elle ne voyait rien. Strictement rien. Ginger la prenait pour une imbécile ! Elle allait commencé à s'énerver, à crier contre cette petite impertinente certainement drogué qui avait osé se moquer d'un Guardian lorsqu'elle vit. Là, près de l'épaule de Ginger. Il y avait vraiment quelque chose. Quelqu'un, même. Des ailes. Le soleil entrant par la fenêtre se réfléchissait sur celles-ci, provocant un petit scintillement étrange. Une petite fée. Non, cela devait être un petit lutin. Noélia ne savait pas. Elle n'en avait que faire. Cette créature se tenait là, devant elle, un sourire ressemblant à celui de Ginger, qui la regardait droit dans les yeux. Elle avait sans doute compris que l'enfant voyait. Oui, Noélia voyait cet être comme elle voyait Ginger. Elle restait interdite, bouche-bée. L'autre petite fille aux allures de cinglées avait finalement eu raison..

« Bonjour … ? » risqua timidement la petite fille.
« Bonjour ! » répondit vivement la créature avant d'ajouter : « Je m'appelle Patrick ! C'est vous qui m'avez contacté ? »

Les deux petites filles hochèrent la tête.

« Et bien et bien. Je vous félicite de connaître cette comptine ! Enfin, trêve de bavardages. Ça vous dirait, mesdemoiselles, de fermer vos petits yeux et de me laisser vous guidez dans mon île ? »

Noélia secoua la tête de manière affirmative. Elle mourait d'envie de suivre le petit Patrick dans son monde, et de découvrir cet univers encore plus fantastique qu'Esplumoir. Ginger avait l'air de vouloir y aller, elle aussi. A moins qu'elle ne soit juste contente de fermer les yeux et de pouvoir dormir. Peut-importe. Noélia s'exécuta. Elle ferma les yeux puis...

Puis une sensation étrange l'a pris de cours. Comme si elle tombait en arrière, lâchait prise. Ses pieds ne touchaient plus rien et pour peu qu'elle agite les bras, elle n'aurait rien senti non plus. Le néant semblait être tout autour d'elle. Elle avait un peu peur. Elle agrippait fermement ses deux compagnons, espérant qu'ils supportaient le voyage. Elle tombait, elle tombait, elle tombait... Puis pouf, un sol mou et cotonneux arrêta sa chute. Sa tête lui tournait, elle fut un instant saisit de haut le corps, puis cela se calma aussi vite que c'était venu. Elle ouvrit enfin les yeux. Ces derniers qu'elle écarquilla grandement à la vue de ce qu'il y avait tout autour d'elle. Ces derniers qui brillaient d'une étincelle d'émerveillement perceptible sur le visage de la jeune fille. Bouche-bée, elle admirait la moindre parcelle de paysage qu'elle pouvait entrevoir d'ici. Les maisons d'un blanc immaculé, les pommes d'un rouge si somptueux qu'elle en avait l'eau à la bouche, des friandises aux formes et aux couleurs qu'elle n'aurait pu définir, un paysage plus féérique encore que son île, avec des lutins qui voletaient, de petites fées qui la saluaient gaiment, ainsi que d'autres personnes auxquelles elle n'aurait pu attribuer une catégorie. Tout semblait vivre en parfaite harmonie, ici. Cela emplit son coeur de joie, de voir qu'un peuple pouvait vivre en paix, même en étant aussi différent. Peut-être que son île à elle avait encore un espoir ... ?

Mais ce n'était pas le moment ni l'endroit pour songer à ce genre de choses. Où était Ginger ? Et le petit lutin qui les avaient accompagnés ?
Elle était déjà contente de ne pas avoir perdu son Lunatic et son Teddy, mais elle s'inquiétait pour sa nouvelle amie, qu'elle n'apercevait pas de là où elle se trouvait. Peut-être n'avait-elle pas suivi Noélia, en fin de compte ? Elle trouva finalement la dénommé Ginger un peu plus loin. Cette dernière venait vers elle de son petit pas d'une lenteur extrême. Elle arriva finalement à la hauteur de l'espagnole.

« Tu me suis ? J’ai envie d’aller voir ses moutons cotonneux là-bas, accrochés au ciel au milieu des étoiles en papier crépons… Après, on ira où tu voudras… Il y a tellement de choses à voir ici, tu auras le choix. »

Noélia acquiesça et suivi Ginger sans poser de questions. Peu importe où elles allaient, tout ici en valait le détour.

Elles suivirent une ruelle indiquée par un Joker farfelu qui fit une grimace lorsqu'elles passèrent, déclenchant le petit rire de Noélia. Les deux jeunes filles marchaient lentement afin d'admirer le paysage qui défilait tout autour d'elle. De délicieuses odeurs arrivaient aux oreilles de l'enfant, avec des bruits de festivités, des feux d'artifices, de la musique... Elle semblait même sentir la chaleur d'un feu de camp présent non-loin d'ici arriver jusqu'à elle. Elle sourit, d'un sourire le plus franc qu'une enfant pouvait vous faire. Pour rien au monde elle n'aurait voulu quitter cet endroit. Tout ici était absolument magnifique. Ses soucis avec la guerre, son poste de Guardian, les réflexions, les moqueries... Tout cela n'avait plus lieux d'être. Elle se sentait bien, légère, heureuse. Elle était persuadée que, si elle essayait de sauter, elle se serait envolée dans les airs, tel un petit papillon prenant son envol. Elle n'en fit rien, mais l'idée la fit sourire plus encore. La magie de cet endroit s'emparait d'elle, l'envoûtait totalement. Ginger lui proposa un bout de nuage. Ah, elles étaient arrivées ? Noélia n'avait même pas remarqué. Elle l'accepta avec joie. Il avait le goût marshmallow, le meilleur qu'elle n'est jamais mangée au monde. Le plus sucré, le plus fondant et tendre en bouche... Elle inspira profondément, un air chargé de sucreries et de bonheur emplit ses poumons, tandis qu'elle plongea à son tour la main dans le nuage afin d'en manger un autre morceaux. Elle se mit finalement à sautiller, elle grimpa sur l'un des nuages, complètement euphorique. Il rebondissait comme un trampoline. Elle riait à gorge déployer alors qu'elle sautait de plus en plus haut, se laissait tomber sur le dos et continuait de rebondir.

« Aller Ginger, viens, c'est rigolo, tu vas voir ! »

Elle n'attendit même pas que son amie arrière qu'elle sauta sur un autre nuage, puis un autre et encore un autre, pour retourner en un grand bond sur celui de départ. Elle s'amusait tellement qu'elle n'aurait jamais voulu que cela s'arrête. Ce sentiment était presque suspect. Pour peu qu'elle s'y attarde elle aurait peut-être pu percevoir qu'un envoutement s'immisçait en elle. Mais, Noélia n'était qu'une enfant qui avait l'air d'avoir atterri au paradis. Et aller expliquer à un enfant que son paradis et peut-être bercer d'illusions...

L'effervescence. Ce sentiment étrange qui la gagnait, elle n'aurait pu que le nommer de cette manière. De l'effervescence. Noélia ne se contrôlait plus. Elle continuait à sauter sur ces petits nuages étranges au goût sublime et de crier à son amie de la rejoindre, un air dément au visage, tandis qu'elle riait à gorge déployée. Elle sautait de plus en plus haut, rebondissait sur le ventre, sur ses pieds, sur le dos... Elle ne s'était jamais autant amusée. Elle aurait pu sauter encore et encore, sans se rendre compte du temps qui passait. Elle ne se sentait pas fatiguée, ni essoufflé et ses membres ne semblaient pas s'engourdir. Elle ne se croyait plus capable d'arrêter de sauter un jour. Son comportement devenait étrange, une folie perceptible la gagnait. Elle devait être la seule à ne pas s'en rendre compte...

Ginger s'approcha d'elle, lentement, tentant de ne pas se faire blesser par l'enfant qui continuait toujours de rebondir sur la surface du nuage. Elle attendit qu'elle atteigne le sol et attrapa la main de la petite fille. Aussitôt, son hilarité se calma et elle cessa son amusement. Elle regarda son amie d'un air étrange, abasourdi. Comme si elle ne la reconnaissait même pas. Noélia ressentit alors une douleur étrange, atroce même. Comme si on forçait son esprit à sortir de son corps, comme si son âme était chassée de sa tête, arrachée violemment pour être emportée ailleurs. La sensation la faisait horriblement souffrir et pourtant, au-dehors, elle souriait amicalement à Fluff qui lui disait des choses qu'elle ne comprenait même pas. Dans son esprit, elle se sentit repousser et eu l'impression d'atterrir dans un tout petit coin de sa tête. Son corps se mouvait toujours, mais ce n'était plus elle qui le contrôlait, elle le sentait.

Ginger demanda à Noélia de la suivre, elle sentait qu'il se passait quelque chose d'étrange ici, son comportement en témoignait bien. La petite Guardian le comprenait maintenant. Elle avait été piégée, envoûté même. Et maintenant, ce n'était plus elle qui dirigeait son corps, il se dirigeait toute seule. Une Plume avait agi sur elle. Quelqu'un cherchait à faire du mal à Ginger et Noélia. Et tandis que Ginger s'éloignait, l'étrange chose qui contrôlait l'enfant la condamnait au silence et suivi son amie, empêchant l'enfant de la prévenir du danger qui la guettait... Elle tenta quand même, bien que cela fut en vain, de parler, de hurler à Ginger de faire attention. Mais ses paroles ne franchissaient pas sa bouche. Elles se répercutaient contre les parois de son crâne, ce qui lui fit ressentir une douleur terrible. Le pire était qu'elle ne pouvait pas crisper son visage à cause de cette douleur, ni encore laisser sortir un cri de ses lèvres, ce qui multipliait la douleur qu'elle ressentait. Elle aurait voulu pleurer son désarrois, mais cela aussi lui était impossible. Ginger et celle qui occupait son corps avançant, elles pouvaient les entendre parlés des inquiétudes de la petite Fluff quant à cet endroit et l'autre affirmée qu'elle était d'accord. Il y avait quelqu'un de louche qui leur voulait du mal, disait la petite blonde à celle qu'elle pensait être son amie, tandis que cette dernière acquiesçait. Noélia ressentit le contentement de cette personne en elle, la satisfaction de bernée Ginger était palpable. La petite espagnole eu, pendant un instant, l'aperçu des sentiments et des pensées sombres de la personne qui l'occupait. Pendant un court moment, elle vit des choses horribles qu'elle aurait préféré ne pas voir. Le monstre qui se trouvait en elle avait imaginé une image très précise de leurs corps ensanglantés.

Elle prévoyait de les tuées...

« Tout ce monde, d'un geste de la main l'enfant désigna la foule se pressant sur la place, c'est une occasion idéale pour jouer à cache-cache, tu ne crois pas ? Retrouve moi donc. »

* Non, non, non, non !! C'est pas le moment de jouer à cache-cache, idiote ! Il faut que tu me sortes de là, on est en danger ! Gingeeer !*

Mais Ginger s'était déjà précipitée dans la foule, laissant Noélia et son occupant seuls. La petite fille avait tenté de récupérer sa place et son corps, mais en vain. L'esprit qui la contrôlait se mouvait bizarrement, ayant l'air de ne pas avoir l'habitude de marcher sur des jambes. Il lui était donc difficile de rattraper Ginger, qui elle, filait à travers la foule. Il courait, trébuchait plus encore que la petite fille elle-même, heurtait des gens qui se plaignaient de son inattention mais il ne leur prêtait aucun intérêt, gardant les yeux rivés sur la petite fille qui gagnait du terrain. Noélia fut finalement fière de Ginger. Elle gagnait du temps, ce qui était déjà mieux que rien.
L'esprit tenta d'accélérer le pas et rentra dans un clown en mono-cycle qui jonglait tant bien que mal. Il perdit l'équilibre, ses balles ricochèrent l'une après l'autre sur la tête de la petite espagnole, provocant autant son étourdissement à elle qu'à celui de l'occupant clandestin. Mais ce ne fut que de courte durée.

Ginger n'était plus à porter de leur vue et, la petite espagnole ressentit l'énervement de la créature qui bouillonnait en elle. Pestant de rage, un grognement sorti de la gorge de Noélia, faisant immédiatement reculer le clown et les gens qui l'encerclaient. Les articulations de la petite fille se serraient, blanchissaient, craquaient... Mais elle n'était responsable de rien. La foule continuait de s'éloigner tandis que les traits de l'enfant ressemblaient plus à ceux d'un monstre qu'à son habituel air innocent et joyeux. L'esprit avait peu de patience, il ne voulait pas effectuer une course poursuite dans laquelle il n'aurait pas l'avantage. Il perdait son sang froid. Ses nerfs étaient à deux doigts d'exploser.

La petite espagnole eut alors une idée.

*Peut-être que, si je récupérais mon corps, ne serait-ce que le temps de retrouver l'autre jeune fille, nous arriverions à la rattraper ? *
*Tu me prends pour un imbécile, petite ? Tu crois que je ne sais pas ce que tu trafiques ?* répondit la créature, faisant résonner une grosse rauque à l'intérieur de son crâne. Une voix qui ne semblait pas du tout humaine et qui l'inquiétait énormément.
*Oh, euh, si, si, je savais que vous saviez mais...*

Noélia devait trouver une solution pour reprendre le contrôle de son corps. Peut-être que si elle parvenait à reprendre le dessus elle arriverait à expulser la créature ou tout du moins à prévenir Ginger pour qu'elle tente quelque chose. Mais d'abord, elle devait comprendre comment cela fonctionnait et pour ce faire, elle devait manipuler l'être qui la possédait, afin de récupérer son corps. Une fois qu'elle aurait reprit les choses en main, elle pourrait ainsi tenter de résister à son emprise. Maintenant qu'elle avait conscience qu'il était là, peut-être qu'elle arriverait à le repousser suffisamment longtemps pour que son amie soit à même de les sauver. Elle devait au moins essayer.

*Mais, vous avez le dessus, non ? Alors, si vous me laissiez les commandes juste le temps de retrouver mon amie, cela vous ferait gagner un temps sans doute précieux et si vous voyez que je deviens trop dangereux, vous pourriez aussitôt me ré-expulser.. *
* Hum...*
*Auriez-vous peur d'une gamine de onze ans ? *
*Du tout ! * cracha l'individu d'une voix cruelle.

Noélia fut alors éjecter dans son corps. La sensation ressentit ressemblait à une chute libre suivi d'un atterrissage plutôt brutal et elle recouvra ses sens. Elle pouvait bouger ses mains, sentir les odeurs présentes dans l'air, penser librement... Mais elle sentait que dans un coin de son esprit, la créature guettait et reprendrait sa place. Elle devait agir le plus spontanément possible, afin que l'être ne puisse anticiper ses mouvements. Elle devait aussi anticiper le moindre de ses retours pour tenter de l'en empêcher.

La jeune fille se mit alors à la recherche de son amie. Elle questionna plusieurs personnes, pour savoir si quelqu'un ne l'avait pas aperçu, mais aucun ne semblait avoir vu Ginger. L'enfant ne se décourageait pas pour autant. La menace était en elle, sa nouvelle amie ne risquait rien et elle avait tout le temps qu'elle désirait pour la trouver, maintenant qu'elle était libre de ses mouvements.
Elle pouvait donc ainsi réfléchir, prenant soin de cacher ses pensées à la créature, en tentant de faire diversions et chercher une solution qui chasserait définitivement l'individu de son corps.
Peut-être même que Ginger avait vu que Noélia ne se comportait pas de manière habituelle et cherchait aussi de son côté une solution à leur problème ? A moins qu'elle ne se soit endormit quelque part, adosser contre un arbre, attendant que la petite espagnole la trouve...
Des deux hypothèses, la seconde semblait bien plus probable. Mais ce n'était pas le moment de décourager. Une maison s'élevait un peu sur la droite de Noélia. Magnifique et colorée, elle captiva son regard. Aller savoir pourquoi elle était certaine que la jeune fille s'était cachée à l'intérieur de cette maison. Elle se dirigea alors vers la bâtisse, qu'elle atteignit en peu de temps. Si Ginger se trouvait vraiment là, elle n'aurait sans doute pas beaucoup de temps pour lui expliquer ce qu'il se passait. Peut-être même ne pourrait-elle pas le faire, mais elle essaya tant bien que mal de ne pas trop se montrer négative.

Elle était maintenant devant la porte d'entrée. Son coeur battait à tout rompre, prêt à exploser.
Dès l'instant où elle franchirait cette porte, elle perdrait peut-être à nouveau le contrôle de son corps. Elle n'avait jamais autant aimé se trouver sous sa forme humaine. Elle qui avait toujours préféré être dans le corps d'une poupée, le fait de se retrouver enfermer dans son propre intérieur lui avait procuré une sensation si désagréable qu'elle savourait avec joie ses articulations humaines et le peu de mouvements que sa petite enveloppe charnelle lui permettait d'effectuer.

Elle prit une grande bouffée d'air, abaissa la poignée, ouvrit la porte de la maison, s'attendant à trouver Ginger sur le seuil mais.. Il n'y avait personne.
Sidérée, elle se reprit pourtant très vite et parcouru la maison du regard. Elle ne devait pas avoir l'air de ne pas savoir ce qu'elle faisait, sinon la créature récupérerait aussitôt son corps. D'un pas assuré, elle parcourut le premier étage de la maison, fouillant les moindres recoins, mais Ginger n'était dans aucune des pièces. Elle s'aperçut alors qu'il restait une autre petite pièce, dans un angle qu'elle n'avait pas vu dans la porte d'entrée, avec un lourd fauteuil ornant le petit espace. Elle se dirigea vers le fauteuil. Ginger était là. Elle fut alors rassurée et fit un gros sourire à son amie. L'esprit n'avait pas repris possession de son corps, tout espoir n'était encore pas perdu, elle pourrait lui expliquer et trouver un moyen de s'en sortir, ensemble.

Mais quelque chose chez son amie avait changé. Noélia ne remarqua pas tout de suite, mais vit enfin l'objet brillait autour du coup de la petite Fluff. L'esprit en elle s'agita comme jamais, l'air effrayer, se secouant dans son cerveau, cognant contre les parois du crâne de l'enfant qui tomba au sol. La douleur était insoutenable, l'individu agonisait à tel point qu'elle en ressentait toute l'ampleur, à tel point qui lui était impossible de se relever, totalement enroulée sur elle-même. Plus Ginger se rapprochait d'elle, plus la créature et Noélia elle-même souffrait. C'était insoutenable, si bien qu'un cri s'échappa de ses propres lèvres. Un cri strident qui n'était pas complètement le sien, mais aussi celui de son occupant.

« Ginger ! Arrête ça ! Arrête ! »

« Ginger ! Arrête ça ! Arrête ! »


Mais la jeune fille n'arrêtait pas d'avancer. Au contraire. On aurait dit une sorte de robot qui posait un pied devant l'autre sans se rendre compte de ses agissements. L'enfant s'époumonait, priait son amie de cesser ce martyre dont elle était la cause. Une boule lumineuse était suspendue à son cou, sans doute à l'origine de la douleur de la petite espagnole qui agonisait sur le plancher de bois. Elle se tortilla, hurlait, sentait la créature qui bouillonnait en elle, qui souffrait à un point inimaginable, l'empêchant presque de respirer. La sensation ressemblait à des milliards de poignards qui l'auraient transpercés en même temps, tandis qu'elle aurait été jeté dans un feu au même instant.
Elle convulsait, ses yeux roulaient dans leurs orbites, la créature ricochait contre chaque paroi de son crâne, martelant sans tête en plus des autres douleurs qu'elle ressentait.
Mais Ginger n'arrêtait pas d'avancer. Et plus elle avançait plus cela devenait insupportable.
Elle suffoquait, bientôt ses poumons furent en manque d'air et elle était totalement incapable de laisser échapper le moindre soin. Enfin, elle sentit la créature se mouver de plus en plus précipitamment, cherchant à sortir du corps de la petite fille qui se sentait succomber sous la souffrance. Elle allait mourir, là, dans cette maison totalement inconnue, dans cette espèce de songe qui avait débuté comme un rêve pour finir en cauchemar horrible. De petits jappements sortaient du fond de sa gorge, ongles s'enfonçaient dans le bois, elle ne cessait de se tortiller. Elle pouvait entendre son amie et son pas régulier continuer de s'approcher. Elle pouvait voir la lumière étrange scintiller de plus en plus intensément, grandissant proportionnellement avec la douleur, tandis qu'elle se sentait approcher du vide. Du néant. De la fin de sa vie.
Cela avait l'air agréable et non douleur, alors, tandis qu'elle allait se laisser glisser dans les ténèbres, souhaitant plus que tout mettre fin à ce supplice, elle sentit quelque chose lui tomber lourdement dessus. La lumière se fit aveuglante et emplit la pièce de sa lueur. La douleur traversa son corps entier tellement violemment qu'un cri franchit ses lèvres alors qu'elle ne disposait même plus d'air dans ses poumons. Elle sentit la forme sombre la quitté, soulevant son corps de quelques centimètres, puis elle retomba lourdement sur le sol. Idem. Le souffle court, de la sueur perlant sur son front, mais idem. Elle était en vie. Elle allait survivre, la créature était partie. Elles s'en étaient sorties. Noélia ouvrit les yeux avec le peu de force qui lui restait. Elle vit que son amie était près d'elle, paisiblement endormie. La jeune fille sourit. Elle lui avait sauvé la vie. Elle lui en serait toujours reconnaissante. Exténuée et n'ayant qu'une hâte, gagner son dortoir, sa chambre et voir sa meilleure amie, elle ferma les yeux, espérant qu'elle se réveillerait sur son île.

... « Ginger ! Et toi, jeune enfant que je ne connais pas ! Debout ! »

La petite espagnole ouvrit les yeux. Le soleil semblait s'être couché depuis un bon moment, une fraîcheur de début de soirée régnait dans la pièce assez sombre. Où était-elle au juste ? Elle n'arrivait pas à sans souvenir. Pas plus qu'elle ne savait ce qui lui était arrivé. Elle avait juste un horrible mal de crâne et elle se sentait incapable de se lever.
Une petite fille bougea à côté d'elle, la bousculant un peu. Ginger.
Alors, tout leur périple lui revint en mémoire. La douleur, la créature, le petit lutin, l'endroit merveilleux et pourtant si magnifique, toutes les créatures... Cela n'avait finalement été qu'un rêve. Le rêve le plus réel et le plus merveilleux qu'elle n'avait jamais fait jusqu'à ce jour. La jeune femme qui les avaient réveillés sorti de la pièce, signalant qu'elles allaient bientôt manger. Il était temps pour la petite espagnole de rentrer chez elle. Elle se leva, ses membres lui faisaient mal. Sa robe, aux manches courtes, laissait apercevoir de nombreux hématomes.
Pour un rêve, il laissait des cicatrices on ne peut plus réel...

« Wonderful, isn't it? J'ai adoré ce rêve. Et désolée si je t'ai fait mal. Sincèrement, je ne voulais pas. Tu reviendras, d'accord ? Oui, bien sûr ! Et cette fois, on verra vraiment des oiseaux roses ! »
« Moi aussi, j'ai adoré. Je t'en veux pas, Ginger. Et je reviendrais avec plaisir ! » répliqua la petite fille sur le même ton joyeux que son amie

Elles se sourirent. Noélia sut qu'une trêve était enfin signée entre les deux jeunes filles. Elle ne s'éviterait plus, la petite espagnole ne laisserait plus de regards noirs à la petite rêveuse, elle ne penserait plus que ce n'était qu'une petite shootée. Elles seraient amies...
Ginger la conduisit jusqu'à la porte, de son petit pas guilleret, le sourire toujours sur les lèvres, son attitude habituelle de nouveau sur le visage. Avant de partir, elle lui adressa encore quelques paroles :

« Je ne pense pas que les surveillantes savent que tu n'es pas de ce quartier... Mais fait attention quand même, et sois discrète. See you. »

Noélia la remercia, puis quitta le dortoir, sur ses gardes. Mais elle partit sans encombre, Teddy et son petit Lunatic en main. Aucune surveillantes n'avaient prêté attention à elle.
Il faisait sombre, mais les quartiers étaient éclairés par de petits lampadaires, si bien qu'elle regagna Chocolate Town sans le moindre mal. Elle flâna un peu dans son quartier, contente d'être revenue. De toute façon elle avait déjà loupé le souper, alors autant profiter de leur frais pour détendre ses membres tout engourdis.
Elle mit encore quelques temps avant d'atteindre son dortoir, mais leregagna finalement, souhaitant dormir d'un sommeil sans rêve.
Lorsqu'elle pénétra dans sa chambre, sa meilleure amie et colocataire, Thoai, l'attendait un livre à la main, l'air visiblement inquiète. Lorsqu'elle vit la petite espagnole, elle poussa un long soupire de soulagement, puis fronça les sourcils.

« Je peux savoir où tu étais ? »
« Alors là, c'est une très longue histoire... » ♥

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