Avait-elle peur ? Il se le demandait. Il est parfois si simple de deviner les émotions des autres mais lorsque le jeu du chat et la souris est mis en place, peuvent-ils réellement savoir ce que ressent l'autre ?

Il sentit la main d'Aria se contracter un peu plus. Peut-être voulait-elle être sur de sa présence. En tous cas, lui, savait pertinemment une chose. Il voulait voir l'un de ces soi-disant fantômes. Ou alors...
Ils avançaient à petits pas refusant de se prendre un mur au prochain tournant. C'était déjà assez compliqué d'avancer à tâtons alors si on y ajoutait une bosse au front et une petite douleur. Les battements de son coeur rythmaient inlassablement et en accélérant la silencieuse musique de l'obscurité. Peur du noir ? Non... Peur des fantômes... Peut-être. Claustrophobe ? Oui dans le noir. Mais sa fierté demeurait et il refusait de l'abandonner au passage et de courir rejoindre son lit bien douillet qui n'attendait que lui. Il fallait trouver quelque chose pour passer le temps !
Que pouvait-il inventer pour que la demoiselle avoue sa peur et daigne lui sauter dans les bras avec le fameux "Mon Sauveur !". Il devait s'éloigner d'elle d'une manière ou d'une autre. Lui lâcher la main serait plutôt flagrant. Que faire...

Sbaaaaaaaaaaaaaaaf !

Aria tomba en hurlant. Ses doigts abandonnèrent l'emprise de ceux de Matthew et avant même que ce dernier ait pu la retenir, il la vit disparaître de son champs de vision. Au moins, pour ne plus être à ses côtés, il aurait moins de difficultés, c'était déjà un bon point. Demeurait un problème. Ou avait-elle bien pu disparaître. Il tendit l'oreille à l’affût du moindre petit bruit qui la trahirait.

"Ainsi, tu n'as pas peur du noir ? On va voir ça. Catch me if you can !"

La phrase avait jailli d'on ne sait où dans le noir le plus profond. Il ne savait pas d'où cette voix pouvait provenir. A droite ? Ou peut-être à gauche alors ! Une idée lui traversa l'esprit. Ainsi donc, elle voulait jouer à cache-cache... Soit, mais les règles n'étaient pas fixées. Du moins, pas d'après ce qu'il avait compris et même si elles avaient été fixés, il les aurait dérogé. Ou alors peut-être qu'il les aurait imposé dès le début ! Il se gifla le visage, évitant ainsi de se perdre dans ses divagations. Elle ne lui avait pas interdit de jouer selon sa propre vision, non ? Un rictus s'élargit le long de sa joue gauche. Il ferma les yeux, et franchement, qu'avait-il à y perdre entre le noir autour de lui et lorsqu'il fermait les yeux, et se concentra.
Illusion...
Illusion.
Illusion !

Elle était la souris, il était le chat. Elle s'approchait dangereusement de la tapette, il la surveillait du haut du meuble, attendant patiemment qu'elle s'y prenne les pattes. Les gens sont vraiment sadiques au final. Les animaux aussi d'ailleurs. Elle était à lui. Elle ne pourrait pas lui échapper. Aucune issue. Mais il fallait attendre. Attendre qu'elle se dirige droit dans son piège.
Il se laissa tomber contre le mur le plus proche qu'il trouva. Il était or de question de faire mumuse dans le noir. Voyons, si il se blessait, cela abîmerait forcément son si beau visage ! Ses doigts pianotèrent sur le sol. Attendre était si long lorsqu'on ne savait ce que l'autre pouvait faire. Attendre est si long lorsque l'impatience finis pas nous rattraper. Il supposa qu'elle tentait de trouver une cachette pour que lui doive la chercher un peu partout sans la trouver. Il entendit un bruit un peu plus loin. Il sourit. Elle n'était vraiment pas la reine de la discrétion. Peut-être avait-elle déniché un placard assez grand dans lequel elle trouverait refuge en attendant qu'il daigne bouger son arrière-train et ouvrir ce placard. Ce qui n'était pas près d'arriver. Il se concentra à nouveau. Elle devait avoir peur. Très peur. Et lui devait rire. Sans se faire pincer. Il matérialisa sous ses yeux une ombre. Elle n'était qu'une illusion. Mais suffirait. Ils étaient tous les deux dans le même monde illusoire. De ce fait, lorsqu'il voulait quelque chose de précis dans ce monde, lui aussi pouvait le voir.
Il se releva et suivit discrètement l'ombre. Elle allait vers les cuisines... Il s'arrêta un court moment et entendit un hurlement. L'ombre disparut. Il fronça les sourcils. Une lumière s'alluma d'un appartement au dehors. Oups. Il n'avait pas prévu que l'illusion se mette à agir d'elle même. Bon, il fallait avouer, il contrôlait encore mal sa plume.

"Aria ? C'est toi ?" Demanda-t-il d'un ton volontairement inquiet.

Il entendit la respiration saccadée de la demoiselle près de lui. Il se mit à quatre patte et entreprit de la rejoindre ainsi afin de ne pas trop lui faire mal si jamais il la percutait. Il avança une main, puis l'autre avant de mettre son genoux en action. Il fit deux mètre et heurta ce qui lui sembla être... La tête d'Aria. Elle hurla de nouveau et lui explosa les tympans. Il plaqua sa main sur la bouche de la jeune fille. La lumière s’éteignit.

"Nan mais t'es complètement folle ou quoi !? On va nous entendre ! C'est Matt' ! Matthew Evans. Le beau, le séduisant pâtissier ! Calme toi... Là..."

Il n'hésita pas et la prit dans ses bras pour la calmer. Il n'avait pas prévu qu'elle puisse avoir aussi peur. "Chuuuut. C'était un fantôme. Oui... Et alors. Aurais-tu peur ?" Les tremblements d'Aria lui suffirent comme réponse. Il lui déposa un rapide baiser sur la joue et se releva, lui tenant toujours la main. Il voulait garder ce contact pour préserver son innocence. Elle suivit son geste.

"Allez viens, on va aller à la chasse au fantôme et on va exiger des excuses pour t'avoir fait aussi peur..."

Elle avait saisi l'avant-bras de Matthew et s'y accrochait de toutes ses forces comme si elle retenait en lui le fil qui lui permettait de vivre. Ses doigts étaient glacés et un frisson se répandit sur le bras du jeune garçon. Elle déchargeait une force étonnante rien que pour s'agripper à lui. Il ne dit rien bien qu'il le pensait assez fort. Si fort qu'elle dut capter les quelques ondes ironiques qu'il émettait.

"Te fais pas d’idées. J’ai pas peur. Et je suis pas raide dingue de toi. Je veux juste pas me perdre une seconde fois."

Il secoua la tête mais dans la noirceur du bâtiment, elle n'aurait pas pu le voir. Elle était désespérante... Pourquoi refusait-elle donc pas d'avouer qu'il lui plaisait ! Ce n'était pas sorcier, si ? Et le pire, c'est qu'elle voulait lui faire croire qu'elle s'était perdue une première fois. Mais n'était-ce pas elle qui était tombée et avait voulu jouer à cache-cache dans la cuisine ? Il fit la moue. Jamais il ne parviendrait à la faire craquer. Elle fuirait donc toujours ? Devrait-il se résigner car, entre nous, il avancerait au rythme d'Aria bien que si il allait un peu trop lentement, il ferait peut-être un effort. Il prit le devant du duo en avançant prudemment, une main en avant. Il devait se concentrer. Maintenir son illusion. Et ne regardait pas du tout où ils avançaient. Un obstacle aurait pu se dresser devant lui, il n'aurait pu l'éviter et se le serait pris de plein fouet.
Aucun des deux ne parlaient. Il aurait aimé savoir à quoi elle pensait.

"C’est moi qui suis petite, ou c’est toi qu’est grand ?"

Il voulu répondre "c'est moi qui suis grand" mais se ravisa lorsqu’il comprit qu'il voulait savoir à ce moment à quoi Aria pensait et que comme par magie, elle lui avait balancé sa pensée. "Petit génie qui flotte a dessus de moi, pensa-t-il, si jamais c'est toi qui a accordé mon souhait de savoir ce qu'elle pensait, tu pourrais pas t'arranger pour qu'elle me tombe dans les bras ? Allez, t'auras même des pâtisseries !" Matthew s'enfonçait tout seul dans ses délires et en ce moment précis, presque rien n'aurait pu venir le récupérer. Les battements de son coeur ralentirent le rythme infernal qu'ils lui imposaient depuis quelques minutes. Un escalier apparut soudainement sous leur yeux, plongeant dans l'obscurité de la Candy House. La descente aux Enfers. Il déglutit. Il avait beau savoir qu'il était dans sa propre illusion, savoir qu'il n'était pas certain de la contrôler à 100% lui faisait légèrement peur. Elle posa une question à laquelle elle répondit elle même. Très bien, si elle se mettait aux monologues, il ne voyait même pas pourquoi il prendrait la peine de répondre. Il sentit se rompre le contact avec la frêle main de la demoiselle. Le chaud ré-envahit son bras.
Paaap !
Il supposa qu'il s'agissait du contact de la première marche et d'Aria. Il soupira faiblement en se demandant ce qu'il pouvait bien se cacher en bas de ces escaliers. Il fit un nouveau pas et se retrouva sur la marche. La première d'une sorte de long voyage. Il fit glisser son pieds gauche qui se retrouva sur la seconde marche. Il perdit quelques centimètre par rapport à la demoiselle. Et voilà Matthew Evans qui prend la tête de la course avec une marche d'avance, suivi de très près par Aria Silvery qui finalement se décide à elle aussi rejoindre la deuxième marche. Olalala, chers lecteurs, quelle course effrénée où l'obscurité n'empêche pas nos concurrents d'avancer dans la noirceur. Quelle course, quelle suspense, qui arrivera en premier en bas ?!!!! Matthew avança vers la troisième marche et vit une lueur. Aria en profita pour gagner une marche sur lui. Il était content qu'elle soit là. Il ne voulait pas se l'admettre mais au moins, il se sentait rassuré. Une image s'immisça dans son esprit. Un image, une scène, puis un souvenir.

{ Les deux garçons sont allongés, l'un en face de l'autre. Il fait nuit. Et froid. Ils parlent pour passer le temps. Seuls des chuchotements. L'un d'eux prononce un son quasi inaudible auquel l'autre répond. Ce dernier s'enfonce sous les draps tandis que le premier en sort. Il tourne la tête vers son frère sans dire un mot. Ils doivent être le plus silencieux possible pour qu'elle ne les entende pas. Le souffle du vent sur les feuilles, le mouvement des animaux nocturnes, la respiration sifflante et forte de la tante, le bruit du radiateur qui goutte, tous ces sons mélangés forment l'orchestre de la nuit qui retentit dans les oreilles des enfants. "Dis Lucas, tu crois qu'elle dort ?" Demande celui qui est assit. L'autre ne répond pas et se roule en boule sous la couette. Il se fait secouer par son frère avec impatience. " Allez viens, on va aller à la chasse au fantôme et on va exiger des excuses pour t'avoir fait aussi peur...". Lucas ne répond pas. Il veut faire croire qu'il dort mais n'y arrive pas. Pourquoi a-t-il peur ? Il l'ignore. Pourtant, son frère lui répète chaque jour qu'il est courageux alors pourquoi ne veut-il pas le suivre ? Après mûre réflexion, il se relève à son tour. Le halo de lumière lunaire éclaire son visage et Matthew peut y voir un minuscule sourire et un hochement de tête positif. Il sourit. Doucement, ils se levèrent et mirent leur chausson. Objectif : la cave. Avec le silence le plus parfait, il rejoignirent le sous-sol. La cave était dehors. Matthew ouvrit la porte de derrière pour un accès plus calme à l'extérieur. La violence de l'attaque du froid les fit grelotter mais ils avancèrent néanmoins. Matthew sentit son frère lui accrocher le bras comme l'on s'accroche à ce que l'on aime le plus. Ses doigts étaient glacés et un frisson envahit Matthew. "Ne t'inquiète pas... Je suis là. Calme toi... Là...". Il ouvrit la porte grinçante de la cave et fit face à un escalier. Nulle trace de luminosité de pouvait avoir sa place à l'intérieur. Tout était plus que sombre. Ils s'y engouffrèrent. Matt' sauta sur la première marche pour prouver à son frère que le danger était nul. Lucas le suivit, toujours agrippé à son jumeau. Ils atteignirent la moitié de l'escalier puis écoutèrent. Le bruit d'un objet qui tombe retentit. Puis plus rien. La porte grinçant à case du vent. Silence. Matthew avait une marche d'avance sur son frère. Soudain, ce dernier se mit à hurler à la mort et se précipita vers la sortie pour courir vers sa chambre. }

Oui... Tout lui revenait. La situation était similaire maintenant. On avait changé les décors, le lieux, la date - car ce n'était surement pas le jour de la St Valentin qu'il était allé voir les fantômes- et l'un des acteur avait changé. Maintenant, c'était Aria. Aria qu'il devait protéger comme son frère. Il eut un faible sourire dont le son n'échappa pas à Aria. Elle lui demanda pourquoi.

"C'est drôle... Quand j'étais petit, à 10 ans à peu près, mon frère et moi faisions des cauchemars mais Lucas en avait eu un particulièrement éprouvant où le fantôme de ma mère venait le torturer. Alors pour lui prouver que les fantômes n'existaient pas, je voulais l’emmener dans la cave chez ma tante. Une nuit, j'ai finis par le convaincre et nous sommes descendus silencieusement. Il avait tellement peur que je le réconfortais du mieux que je pouvais. Il faisait très froid. Nous sommes arrivés à la cave et nous avons descendus les marches. Le même escalier que celui ci, du moins, dans les mêmes conditions. Il avait une marche de recul par rapport à moi. Je me souviens qu'il s'accrochait fermement à moi. Comme toi peu avant. Puis tout à coup, il n'y eut plus un bruit. Et il se mit à hurler si fort que même le voisin l'a surement entendu quoique notre tante ne s'est jamais doutée de rien. Il a remonté les escaliers et a couru dans sa chambre. Je l'ai suivis et lorsque je suis arrivé, il était en boule sous les couvertures, tremblait de peur et claquait des dents. Je ne savais pas ce qu'il avait vu. Je lui ai demandé et il m'expliqua que le fantôme de notre mère était venu à nouveau suivi d'un autre qu'il avait identifier sans vouloir me le dire. Si je rigole, c'est juste au sujet de la coïncidence de la situation et des fantômes, rien de plus. On continu ? Qui sait, peut-être y a-t-il un trésor en bas ?"

Il s'appuya contre la rambarde et la laissa passer. Il ne voyait pas son expression et ne pouvait par conséquent pas savoir ce que son visage exprimait. Sa respiration s'était apaisée. Tout allait mieux. Il ne savait pas où était passé Aria désormais. Une marche, peut-être plus devant ? Il fit un pas et rata la marche suivante. Il glissa en avant et s'écroula lamentablement sur la demoiselle l’entraînant dans sa chute Oups. Un petit problème. Ils chutèrent dans les escaliers avant de s'écraser ensemble sur le premier palier des escaliers.

Lèvre contre lèvres...