Mettre un pansement là on l'on a mal, juste histoire de tenir un peu plus longtemps

Avenue of the Roses

Jalousie, nom, féminin. (Source : Wikipédia)
La jalousie ou envie est une souffrance mentale ressentie quand on constate ou qu'on imagine la joie d'une autre personne. On peut ainsi être jaloux de quelqu'un parce qu'il possède une belle maison, a un conjoint qu'on trouve très beau, n'a pas de problèmes d'argent etc. La jalousie peut être liée au fait qu'une autre personne possède quelque chose que nous n'avons pas, ou bien à la peur de perdre ce qu'on a au profit de quelqu'un d'autre. La jalousie amoureuse est notamment liée au fait que quelqu'un d'autre profite de la présence de l'être désiré alors que la personne jalouse n'en profite pas, cette frustration étant accompagnée de la peur de perdre l'être désiré.

Un mot. Un seul et unique. Mais étonnement trèèèès explicite quand il le souhaite. Particulièrement lorsqu'il s'insinue en nous, aussi discret et sournois qu'un serpent. Le coeur se serre, il pince, nous torture même. Il palpite de joie quand une personne chère est avec nous et dès que quelqu'un d'étranger s'approche de trop de cette personne, la sensation d'une aiguille qui se fiche dans notre coeur nous envahit et à nouveau, il se serre. On ne veut pas laisser ce sentiment prendre le dessus, on a peur de ce qu'il peut nous apporter. Pourtant, la jalousie commence peu à peu à tracer son chemin en nous, son goût froid et amer glissant petit à petit dans notre esprit.

La gamine les regardait rire. Elle ne voulait pas interrompre leur discussion bien qu'un foutu démon en elle luttait pour qu'elle se rue vers elles et s'incruste dans leur conversation. Un démon, une tornade, une petite voix qui répète inlassablement "elle t'abandonne". C'est pareil. Il faut les ignorer, les mettre dans un coffre rangé dans un tiroir. Mais ils arrivent encore à sortir. Elle remit son casque sur ses oreilles cherchant à ne plus entendre ce qui se passait à l'autre bout de la petite boutique. C'était un jeudi. Il faisait beau. Une musique apaisante résonna dans ses oreilles, puis en elle, désirant plus que tout chasser les pensées négatives que la petite demoiselle avait dans sa tête. Allez, ouste !!!! Erevan dut se résigner. Oui, elle mourrait d'envie de mettre à la porte celle qui comme à son habitude squattait ici sans la moindre gène, accaparant SA Ginger. Elle ressentit l'envie de lui mettre un bon coup de pieds aux fesses. Si seulement c'était possible...
Elle retourna brusquement son fauteuil pour tourner le dos aux deux filles qui parlaient toujours avec enthousiasme. Les quelques notes légères d'un piano eurent pour effet de la calmer mais son humeur massacrante reprit finalement le dessus. Elle n'était pas souvent dans cette état mais là, la grande perche aux cheveux sombre, dépassait ses limites. Elle croisa ses bras frêles et se renfrogna. Calme-toi. Ne les regarde pas. Elle va partir et tu pourras alors parler tranquillement avec Ginger. Tu as peur de l'autre ? Non, alors, que crains-tu ? Elle se mordit les lèvres. Tout son esprit lui dictait d'hurler après la brunette mais aucun son ne parvenait à sortir de sa gorge. Encore heureux car sinon, sa meilleure amie ne lui adresserait probablement plus la parole. Elle détestait cette fille. Cette soit-disant Miru Darkpapers. Le goût du sang coula dans sa bouche. Flûte, la lèvre s'était ouverte. Cela eut pour conséquence d'un excès de colère en elle. Elle envoya valser le carton presque vide qu'elle tenait à l'instant dans les étagères en face d'elle, pleines de disques. Elle regarda ladite étagère en bois qui menaçait de tomber depuis déjà un moment, tanguer pour finalement se laisser emporter et basculer en avant. Les pochettes de disques suivirent. Le tout s'étala à ses pieds, et sur elle même avec fracas et casse et gisait à présent sur le sol. Erevan eut un grimace qui lui tordit les lèvres. Elle fit tourner son fauteuil et sans la moindre explication, se dirigea vers la porte. Elle fonça dans le tas "Miru" qui se dégagea à temps pour ne pas se prendre le moyen de transport de la fillette. En passant devant Ginger, elle croisa les yeux de cette dernière et lui lança un regard triste avec des éclairs en bonus.

Elle fit en sorte de prendre un pente pour s'éloigner au plus vite de la boutique de disques. Après tous les dégâts qu'elle venait de causer dû à une crise de jalousie, les excuses seraient longues. Vlam, vlam, vlam.... Le fauteuil sursautait à chaque pavés, c'est à dire tout le temps de la descente. Quelle idée de prendre ce genre du rue. Elle traversa tout son quartier et se retrouva sur la plage. Bloquée. Avancer dans du sable sur un truc à roulette, c'est comme pédaler dans la semoule. Tout à fait inutile et bien trop compliqué. Erevan balaya la plage déserte du regard et s'en étonna. Personne en vue ? Zut, aucune aide. Elle retourna sur ses pas et se dirigea vers la forêt qui longeait la plage. Là, elle pourrait continuer à avancer sans risque.
Une quinzaine de minutes après, elle se retrouva tout proche de la mer. De l'eau. Son élément. Elle utilisa toute sa force pour ne serait-ce que faire quelques mètres et maudit son frère pour la énième fois. Mais qu'importe. Elle y était parvenu. Elle avait oublié sa colère l'espace d'une heure. Elle se propulsa en avant et tomba sur le sable. Il était doux et chaud, comme l'étoile veillant sur chacun d'entre nous. Elle essaye du mieux qu'elle put de s'installer confortablement et ferma les yeux. Silence. Comme le premier jour où elle avait quitté le monde extérieur pour venir s'échouer sur Esplumoir. Elle rouvrit les yeux et regarda l'eau qui s'étendait à perte de vue. Un jet d'eau jaillit de cette large étendue, proche de la côte, puis un autre. L'eau, peu à peu, se mit à danser sous ses yeux. Elle la manipulait si facilement...
Elle n'entendit pas l'autre arriver. Elle vit juste son ombre et cette vision suffit à la conforter dans l'idée que jamais elle n'aurait la paix.

"Encore toi ? Qu'est ce que tu veux ?"

Feathers Road

Un jeudi après-midi. Doux, paisible. Le soleil brille d'une jolie lueur claire, presque blanche, et rien ne laisse présager la tempête qui va survenir dans à peine quelques minutes. Ginger discute à l'entrée de la boutique de disques avec Miru. Une mélodie provenant d'un vieux tourne-disque passe en boucle, le son aussi bas qu'un murmure. La blondinette raconte son dernier rêve d'une voix enthousiaste, chose assez rare chez elle.

"… Tu vois, il y avait des baleines géantes partout ! Même qu'elles volaient dans le ciel et qu'elles traversaient les nuages ! Je suis montée sur le dos de la plus âgée, elle s’appelait Louise et elle était gentille comme tout ! Elle m'a emmenée jusqu'en Chine, et après on a fait pousser du riz en dansant avec un parapluie, c'était géniaaal ! Ensuite..."

L'enfant pointe son index sur ses lèvres, essayant de se rappeler ce qui s'était passé après que le fameux riz eut grandi. Avait-elle prit le bateau ? Elle a le vague souvenir d'un océan, mais ce n'est pas très précis. D'un geste de la main, elle secoue ses longs cheveux dorés et son regard tombe sur une fille aux yeux verts installée au fond de la boutique. Erevan. Elle a l'air de mauvaise humeur... De très mauvaise humeur même. En fait, si Ginger n'était pas Ginger, elle serait probablement allée la voir pour lui demander quel était le problème. Mais voilà. La petite rêveuse n'est pas du genre à s’inquiéter pour ces choses-là. Elle n'est pas du genre à s'inquiéter du tout d'ailleurs. Alors elle reporte son attention sur Miru, qui attend probablement la suite, et elle reprend de sa jolie voix flûtée.

"Et bien, il me semble que je suis allée sur l'eau, mais je ne me souviens plus très bien... Je te dirais si je m'en rappelle."

Un silence passe, pendant lequel la petite fille se laisse aller à ses rêves. Comme ça lui arrive souvent. Elle voit des papillons colorés traverser son esprit, elle suit la trace d'un mystérieux fantôme un sourire aux lèvres...

Alors, un bruit fracassant vient casser sa bulle et la fait fermer très fort les yeux ainsi que poser brusquement ses paumes sur ses oreilles. Lentement, après quelques secondes, elle ouvre un œil pour pouvoir observer les dégâts. Puis l'autre. L'étagère pleine de disques en tout genre et qui menaçait de s'écrouler depuis un moment avait finalement chuté. Tout un tas de pochettes est désormais étalé sur le sol, mêlé à des débris de bois. Juste à côté d'Erevan. Celle-ci a la lèvre en sang et semble avoir beaucoup de mal à contenir sa colère grandissante. Finalement, son visage se crispe et elle sort en trombe du petit magasin, non sans avoir lancé un regard empli de tristesse et d'agacement à Ginger avant. Les deux autres fillettes restent là, perplexes. La mélodie du tourne-disque se poursuit mais plus personne y fait attention. Les minutes s'écoulent, interminables. Puis soudain, sans prévenir, Miru s'enfuit à son tour à la suite de la petite fille en fauteuil roulant.

Seule devant la porte de la boutique de disque, Miss Fluffy garde ses grands yeux bruns figés dans une expression étonnée. Elle n'a pas l'habitude de voir le monde avancer aussi vite autour d'elle. Et puis le regard que lui a jeté celle qu'elle considère comme l'une de ses meilleures amies la perturbe. Elle ne sait plus trop où elle en est. A pas lents, elle commence à avancer vers le capharnaüm occasionné par l'effondrement de la lourde étagère et se met en tête de tout ranger. Pour voir où en seront ses idées ensuite. Doucement elle ramasse un des disques, puis un autre, et un autre, qu'elle empile les uns sur les autres ou bien qu'elle range au hasard sur un bureau, sous une chaise. En quelques coups de balais, elle élimine également le bois, qui se retrouve entassé dans une grande benne au-dehors. Au bout d'une heure, le travail est achevé. Et la petite fille sait ce qu'elle doit faire.

Elle doit vite (enfin, façon de parler), retrouver ses amies. Où qu'elles soient.

Tranquillement, Ginger trottine donc jusqu'à l'armoire contenant quelques une de ses affaires, et pose sur sa tête un grand (un peu trop peut-être) chapeau de paille. Elle prend ensuite la clé du magasin, tourne la petite pancarte accrochée à la porte vitrée pour indiquer que la boutique est fermée, puis verrouille la minuscule serrure et s'en va.

Elle ne sait pourquoi, mais ses pas la mène tout droit vers la "grande pente de la plage". Elle l'a descendue des centaines de fois avec Erevan. C'est un de leurs endroits préférés. Souvent, les après-midi de beau temps, elles filent à tout vitesse dans cette grande rue penchée pour finir assise dans le sable chaud à observer l'océan. Peut-être est-ce pour ça que l'enfant est partie directement par là ? Sûrement. Merveilleux et précieux souvenirs. Avec Miru, c'est différent. Elles ne se croisent quasiment jamais au même endroit, si ce n'est à la boutique, mais à chaque fois c'est tout aussi formidable qu'avec Erevan. Oui... Tout aussi formidable. Elles sont incroyables toutes les deux. Ses deux meilleures amies irremplaçables et indispensables. Raison pour laquelle elle doit les chercher. La seule chose qui la chiffonne un peu, c'est de savoir si les deux seront au même endroit... Enfin, au bout d'une heure, Miru a bien dû trouver Erevan, non ?

Le vent se lève brusquement, une brise fait valser la robe blanche de Ginger et celle-ci accélère très légèrement la cadence. Petit à petit, les maisons de Feathers Road s'espacent pour se faire de plus en plus rares. Les arbres de la Sylve d’Émeraude à contrario se font plus nombreux. Le sable blanc recouvre finement les pavés au sol. Bientôt arrivée. Enfin, un petit muret de pierre grise fait son apparition, séparant la forêt de la plage. Pas de traces d'Erevan, ni de Miru à l'horizon. Cependant, en regardant attentivement le sol, la petite fille remarqua deux lignes droites parallèles se prolongeant sur la droite. Un fauteuil. Bon, ce n'était pas la révélation du siècle, mais c'était tout de même une piste non-négligeable.

Distraitement, Ginger suivit donc son indice numéro un, jusqu'à parvenir à un coin très proche de la mer et encore pavé. Le fauteuil roulant était là, vide. Et tout proche, Miru, qui regardait quelque chose dans le sable. Très probablement Erevan. Et bien, ça n'avait pas été si compliqué finalement ! Ne voulant pas se faire repérer tout de suite, la petite rêveuse s'accroupit derrière le petit mur et se colla contre la pierre. La voix de la fillette dans le sable retentit.

"Encore toi ? Qu'est ce que tu veux ?"

L'attention de Ginger se fit plus grande. Elle toqua doucement neufs coups rapides contre le muret, puis trois plus lents.

Que le spectacle commence, comme on dit.

{J'espère que ça vous ira :D ♥}