Il pleuvait aujourd’hui, le temps était tout gris, mais ce n’est pas quelques nuages et un peu d’eau qui allait enfermer le garçon. En fait, il aimait bien sortir les jours de pluie. L’air sent la bonne terre, l’herbe et les vers qui pointeraient le bout de leur nez s’ils en avaient un. Il aimait bien partir chasser ces derniers, la meilleure place pour ça c’est bien entendu sur les routes, puisqu’ils vont dessus mais n’arrivent pas à retourner dans le sol à travers les pavages solides. C’est là qu’il était aujourd’hui, ne regardant pas vraiment où il allait, allant simplement de gros vers en gros vers, qu’il mettait ensuite dans un seau. Après avoir ramassé une dizaine de beaux gros vers bien dodus, la pluie avait collé son chandail à son dos. Le garçon décida de s’en départir, pour libérer ses épaules que le chandail collant retenait à chaque mouvement. Il l’enleva et le déposa sur un banc, se disant qu’il n’aurait qu’à le reprendre en revenant. Il leva donc les yeux, histoire de pouvoir se repérer et retrouver ce banc plus tard. Il abandonna rapidement ses chaussures d’une façon similaire, après qu’elles aient servi d’éponges dans quelques-unes des flaques d’eau sur son chemin, dans lesquelles il avait joyeusement sauté histoire de tout éclabousser autour de lui. Il termina donc de remplir son seau sans chandail ni soulier, ni chaussettes.

Une fois le seau bien plein, il réfléchit à ce qu’il allait faire avec tous ces vers. Les lancer sur des filles semblait une idée assez attirante. Une fille en particulier le méritait bien, une fille qui lui jouait de sales tours sans cesse. Mais par un jour de pluie, il n’avait aucune idée d’où il pourrait la trouver. Après tout… personne n’achète de fleurs lorsqu’il pleut… alors elle ne serait sûrement pas à son magasin. Il avait déjà essayé de la suivre jusqu’à chez elle, mais n’y était jamais arrivé. Chaque fois elle sortait un peu ou allait faire une commission et retournait à son magasin. Elle se tuait à la tâche, cette fille.

Il regrettait un peu de ne pas avoir prévu de plan pour ces vers, après tout c’était dommage d’avoir autant travaillé et de tout jeter. Il s’assit sur le rebord de la fontaine qui était à côté de lui pour réfléchir. Des choses très mauvaises lui étaient arrivées juste à côté de cette fontaine, au milieu de l’Éden, mais c’était histoire passée. Se penchant sur ses vers, il ne savait que faire d’eux. Ils étaient tous en tas, à grouiller dans tous les sens. Gallif plongea sa main dedans, histoire de jouer avec eux, et remarqua un dépôt de bave gluante au fond. «Ils ont peut-être soif… peut-être qu’ils veulent être dans l’eau et essaient de remplir le seau…» C’est sur cette réflexion qu’il plongea les pauvres vers baveux dans l’eau de la fontaine. Le courant s’insinua dans le sceau et emporta les vers partout dans la fontaine après avoir rebondi contre le fond du sceau. Avec quelques blasphèmes contre les vers, l’eau et la fontaine, le gamin entreprit de pêcher tous les vers de nouveau. Il les avait presque tous ramassés lorsqu’un petit poisson traînant au fond de la fontaine entreprit de lui voler un de ses vers, le vilain ! L’enfant tenta tant bien que mal de rattraper ''son'' bien, mais vous savez… l’expression ''comme un poisson dans l’eau'' vient de quelque part… et rattraper à la main un poisson qui a assez de place pour se sauver n’est pas chose facile. Ce petit poisson, quoique voleur et méchant, lui avait rendu un grand service. Il savait maintenant quoi faire de ses vers ! Il allait aller nourrir les poissons ! Quoi ? Ce n’est pas très différent de ceux qui donnent du pain aux canards…

Où trouver des poissons… dans l’océan ? Non, il faut allez trop loin dans les vagues pour trouver des poissons là-bas… À la cascade c’est mieux il y a toujours des gros poissons dans les roseaux. C’est donc dans accroupis dans les roseaux, de l’eau claire jusqu’aux genoux et des herbes par-dessus la tête qu’il ''pêchait'' en tenant les vers par la queue (ou par la tête… pas moyens de savoir quel côté c’est avec ces trucs !). En peu de temps, un groupe d’admirateurs écaillés se regroupèrent autour de lui et c’est le sourire aux lèvres qu’il trempait chaque vers et attendait qu’il lui glisse des doigts d’un coup sec, emporté dans les ''profondeurs''. C’est ainsi, et la majorité des vers disparus, que le trouva le plus étrange des poissons, un poisson comme il n’en avait jamais vu… un poisson qui avait été dessiné ! Il passa juste à côté de lui, en dehors des roseaux, mais ne sembla pas le moins du monde intéressé par un ver. Il disparut, comme il avait apparu ; subitement. Il chercha aux alentours qui avaient pu créer ce poisson, mais ne dépassant pas des roseaux, il ne vit que ceux-ci, presque seulement ceux-ci. Il vit aussi le crayon qui lui arriva directement dans le front. De surprise, il en échappa le seau dans l’eau mais s’en préoccupa comme de l’an 40. Il avait autre chose à faire, il devait trouver celui donnait vie à des dessins ; celui qui lui avait lancé un crayon au visage.

Il ramassa le crayon dans l’eau et sortit du bassin sans bruit. Ses habitudes ne se perdaient pas à cause d’un simple poisson, il devait avant tout faire peur à une nouvelle personne qu’il rencontre. Elle était assez facile à trouver, suffisait de suivre la trajectoire du crayon. Il n’alla pas directement à elle par contre, en tant que ninja super entraîné, il savait qu’il devait faire le tour en faisant un grand cercle pour pas qu’elle ne l’entende. Comme une ombre il fit le tour sans un bruit, vérifiant chaque fois où il mettait les pieds. Elle était juste là, à portée de saut. C’était le moment crucial, le moment décisif, le moment où tout se décidait. Il ne lui restait plus qu’à sauter et… *CRAAAAK* Il n’avait pas sauté sur le dos de l’autre… où était-il ? Sur le sol ? Il s’était pris les pieds dans une racine… comme un débutant… Tout comme il se relevait les buissons qui le cachaient s’écartèrent.

« Tu es qui, toi ? Je peux savoir ce que tu fais là à m'observer ?! »

Elle le voyait ? Pourquoi cette maudite plume lui faisait toujours défaut au mauvais moment ! Elle n’avait vraiment pas l’air contente de le trouver là… pourtant, elle ne savait pas ce qu’il projetait, elle ne pouvait pas le savoir. À son visage, il sut qu’elle avait pris une décision, et le petit sourire sur le coin de ses lèvres n’augurait rien de bon…

« Une minute... Ça te dérangerait de m'aider ? Il faut que je m'entraîne pour perfectionner mes dessins mais je n'arrive à rien. Tu aurais une idée petit bonhomme ? »

Bon… encore une qui parle d’une autre langue… la même qu’Aieiko [HRP : j’espère qu’elle me verra jamais malmener son mon…] si je me fie au style des mots…

« Ah, et au cas où tu le demandes, tu peux m'appeler Aria. »

Gallif avait fini par reconnaitre quelques mots à force d’entendre les autres parlers, il avait compris que ''mi'' voulais dire ''moi''… elle avait dit «moi Awruia» [HRP : désolé… c’est la meilleure façon que j’ai trouvé pour écrire en français ton nom phonétiquement en anglais…], elle devait donc logiquement s’appeler Awruia.

Il répondit, en se pointant lui-même avec ses mains :

«Moi Ruisseau Chant… … …Ruisseau seulement c’est plus simp…»

Il s’arrêta au milieu de sa phrase, sachant que toute explication était superflue et ne ferait que tromper son interlocutrice. Puis, il lui tendit son crayon, sachant que les mots étaient inutiles, il se contenta d’un «heum ?», signe d’interrogation universelle.