Aaaaaaah !! CA-NI-CULE !!!! Non, mais quelle chaleur, un vrai sale temps bien pourri. Miru sentait sa peau se liquéfier sous les rayons ardents du jour. Elle mourrait de soif, puait, n'en pouvait plus. Les rues, désertées par les habitants de Bloody Lane (et ça se comprenait !), avaient été envahies par des badauds venant d'autres quartiers.

Et la guerre alors ?! Les gens l'avaient oubliée la guerre entre quartiers ?! Et voilà, qu'elle s'asphyxiait, ma parole. Elle crachait et crachotait comme une vieille voiture dézinguée, tandis que tout autour, les fleurs fânaient sous l'ahurissante exaltation du soleil. Tout en se traînant à travers les joyeux glaciers, les filles s'acoquinant aux terrasses des cafés, face aux serveurs guillerets, sous les fenêtres d'où de la musique hurlait des chansons mutines parlant d'amour, Miru se disait que vraiment, les gens étaient fous.

Ah, le saint-graal, enfin. Toute essouflée, la mignonne petite britannique appuya son dos fatigué contre une vieille porte de bois décharné, où un mince filet d'ombre la protégeait. Soudain, une douce brise fit picoter sa peau bouillonnante. Aaaah, oooh, aaah, oooh...

Miru remarqua alors que la lourde porte était entrouverte, laissant apparaître un lieu bien charitable. De l'air, de l'obscurité, du frais. Non, est-il bien possible qu'un lieu aussi merveilleux existât ?! Miru poussa d'un doigt la porte qui s'entrebailla en un crissement effrayant. Et derrière, rien que la nuit. Miru se précipita à l'intérieur et referma la porte derrière elle.

Huumm... ♥

Voilà. L'obscurité l'avait engloutie. Pas une once de lumière. Ses yeux, qui avaient été si malmenés par la luminosité aveuglante au dehors, se fermèrent. Un silence religieux l'enveloppa. Du vent, frais et doux, balaya d'un seul coup ses gouttes de sueurs et sa fatigue. Miru poussa un soupir béat...

Quelle chance que le lieu était fermé au public aujourd'hui. Ainsi, les grands lustres noirs qui éclairaient habituellement le bâtiment avait été éteint. Les rares fenêtres filtraient si peu de lumière que l'on se serait cru en pleine campagne, de nuit. Autrement dit, Miru n'avait pour seule compagne que l'absence de lumière.

Elle resta ainsi immobile encore quelques instants, puis sortit de sa poche la boîte d'allumettes qu'elle avait piqué au café de Chocolate Town quelques jours plus tôt. Le craquement de l'allumette brisa soudain le silence et l'obscurité. Miru vit un chandelier qui traînait sur une table non loin et l'alluma à l'aide de sa petite lueur. Elle le prit dans ses mains et avança, pourfendant la pénombre de ses trois petites flammes.

Des bouquins. Des bouquins. Encore des bouquins. Ah tiens, un rat. Bon, puisqu'elle n'avait rien à faire, autant visiter... Elle se perdit dans les couloirs glauques que formaient les vieilles étagères de bois. Hm, on aurait dit que personne n'était venu ici depuis des années, mais connaissant les habitants de Bloody Lane, c'était certainement plutôt une chose que tout le monde entretenait. Parce qu'à Bloody Lane, tout le monde trouvait ça joli, la poussière, la moisissure et les rats, bien sûr. Miru fit une mine de dégoût lorsqu'elle vit le cadavre d'un oiseau mort à quelques centimètres de ses chaussures. Beurk. Encore un truc que ses congénères adoraient. Miru ne comprenait pas vraiment en quoi le sacrifice de pauvres animaux pouvait être intelligent, mais bon, elle avait déjà entendu pas mal d'histoire comme quoi sa voisine faisait du vaudou et tuait des animaux pour le plaisir de faire mal aux gens qu'elle n'aimait pas. Bon, Miru se disait que chacun avait les passe-temps qui lui plaisait. Elle, par exemple, aimait bien collectionner les escargots dans sa chambre et n'aurait pas vraiment aimé que quiconque le lui reproche.

Soudain, un frisson lui traversa le dos. Miru fut brusquement sûre d'une chose. Elle n'était pas seule et quelqu'un l'observait. Haaa... Elle éteignit alors les flammes de son chandelier, marcha le plus doucement possible dans le sens inverse de ses pas et se dissimula derrière une étagère... Malgré la pénombre, Miru put déchiffrer le titre du roman derrière lequel elle se cachait. "Pierrot ou les secrets de la nuit". Ah, bah tiens, elle l'avait lu celui-là...

Oh, non quelle canicule ! J’y tenais plus, il me fallait un endroit frais. Pourtant je ne trouvais nulle part où me mettre à l’abri. Je soupirai et j’espérai trouver un endroit frais rapidement. Je me rendis compte que j’étais dans Bloody Lane, mais que faisais-je là ?
Oh, et puis je veux pas savoir … Je soupirai et regardai autour de moi. Je cherchai, dans cet endroit lugubre selon moi, un endroit où me mettre à l’abri du Soleil. Je vis une jeune fille arriver sous le porche de la bibliothèque. Elle avait de longs cheveux noirs et semblait bien plus jeune que moi.
La jeune fille poussa la porte d’un doigt. Celle-ci s’ouvrit dans un effrayant grincement. Je la vis entrer avec … empressement ?
Mais oui ! La bibliothèque ! Il n’y a que moi pour ne pas y avoir penser ! Je regarde le bâtiment qui semble plus sinistre qu’autre chose et je finis par me décider à y aller. Je m’approche de la bibliothèque. La porte y était fermée. Je la poussai d’une main peu assurée. Avais-je le droit de venir ici ?
J’entrai dans la bibliothèque. Le sol craqua sous mes pas. Ce n’était pas beaucoup, mais cela suffit à me faire sursauter. J’étais nerveuse. Ça se comprenait ! Je ne savais même pas si j’avais le droit d’être là.
Mon malaise se dissipa lorsque je sentis l’air frais me revigorer et que l’obscurité faisait un bien fous à mes pauvres yeux.
Je vis trois lueurs près l’une des autres. Je me dis que c’était la fille qui était entré avant moi. Voyant les trois petites lueurs danser plus loin, je me dis que c’était comme un invitation à la rejoindre si l’on ne voulait pas se perdre dans l’obscurité.
Je passai devant des rayons et des rayons de livres. Il y en avait à la tonne. Personnellement, j’adorais ça. Je glissai le regard sur un titre de livre. Le seul que je réussis à identifier. Il était écrit en gros dessus : Shibuya. Je soupirai.
Je ne savais plus que penser. Mes pensées s’orientaient vers cette guerre de quartiers où, personnellement je ne participais pas vraiment. Après tout, sans arme, ma plume me sert à rien …
Même si cela faisait un moment que j’étais à Esplumoir, je ne m’y faisais pas. Pour moi, cette guerre me faisait penser à des victimes, peut-être à des morts. Ça m’effrayait, mais je balayai cette pensée d’un geste des plus futile.
Pour moi, l’information de toute cette histoire rentrait encore très mal dans ma tête. Des plumes, des quartiers, une guerre, rien de bon quoi … Je voulais bien assimiler l’information, mais Je n’y arrivais plus …
Je ne vis pas le coin d’une bibliothèque et je lui fonçai dessus. J’entendis les livres tomber. Zut ! Je posai ma main sur mon épaule. Aïe ! J’étais persuadée que j’aurais un bleu.

‘’- Zut ! J’ai tout mis à l’envers ! ‘’

Je n’arrivai pas à croire que j’avais foncé dans une étagère de la bibliothèque. Puis, comme si le sort s’acharnait sur moi, je trébuchai contre un livre pour me retrouver étendue de tout mon long par terre.
Je laissai quelques jurons envahir l’espace avant de reprendre mon calme et de me relever rouge de honte, en souhaitant que personne n’ait vu …

"Zut ! J’ai tout mis à l’envers ! "

Lorsqu'elle entendit ceci, Miru sut aussitôt que l'étrange présence n'allait pas être un danger pour elle. On aurait dit la voix d'une petite fille. Elle n'avait ni l'air effrayée ni l'air furtive. Alors, Miru attrapa le chandelier qu'elle avait posé à côté d'elle, sortit de sa cachette et marcha en direction de la voix. Elle ne se pressa pas, elle n'était pas Mère Térésa non plus et si la gamine s'était fait mal, ce n'était pas son problème.

Quand elle arriva, elle trouva une grande perche, à l'allure mal à l'aise, debout au milieu d'un tas de livres éparpillés autour d'elle. Miru grogna. Le rangement, ça allait encore être pour sa pomme. C'est seulement alors qu'elle reconnut Kari, cette nana à l'accent bizarre qui voulait toujours l'aider pour un oui ou pour un non. Miru changea l'aspect de son visage et fit un grand sourire un peu sadique.

"Hé, Kari. Tu sais pas marcher droit ?"

L'anglaise s'appuya contre une étagère, les bras croisés et l'allure hautaine malgré elle. Elle observait les livres jonchés au sol. Du Marivaux, du Balzac... Que des grands noms du classicisme français.

"Non, mais t'as vu qui t'as martyrisé ?! Eluard... Racine... Les pauvres. Heureusement pour toi, j'aime pas ces gugus."

Miru se mit à rire et attrapa quelques bouquins pour les ranger. Bon, voilà, elle se mettait à être sympa. Miru détestait vraiment jouer les bonnes copines. Elle se dit qu'elle allait partir. Tout en donnant un petit coup à un livre qui lui bloquait la route, elle esquissa quelques pas en direction de la sortie. Mais dehors, il y avait la chaleur. Argh. Kari ou la canicule, que choisir ? Dans les deux cas, il y avait le mot "suffocation". Finalement, elle choisit la sale gamine. Elle s'assit par terre, contre une autre étagère, et attrapa un livre qu'elle se mit à tripoter de manière quasi psychosomatique.

"Alors, qu'est-ce qui t'es arrivé ? T'avais une dent contre Rimbaud ?"